Bâtiment de l’École Notre-Dame-de-Lourdes, 24 rue de La Garaye à Dinan |
L'histoire de l'école Notre-Dame-de-Lourdes, rue de La Garaye, comporte encore quelques zones d'ombre. Elle a bien existé mais on ne connait pas la date exacte de sa création, elle n'a été en fonction que par intermittence et enfin on identifie ses bâtiments beaucoup plus comme une salle de patronage, et sa cour comme celle de la colonie Saint-Louis.
Essayons malgré tout de faire le point sur les documents et sources qui sont à notre disposition à l'issue de différentes recherches menées ces dernières années...
Rappelons également que Notre-Dame-de-Lourdes est le nom sous lequel les catholiques désignent la Vierge Marie qui est apparue à Bernadette Soubirous en 1858 dans une grotte à Lourdes. En Bretagne plusieurs écoles portent ce nom à Morlaix, Santec, La Motte, Inzinzac-Lochrist...
L'ouverture de l'école en 1906
Lors de la période de laïcisation en 1902 et 1903, la congrégation de La Sagesse décide d'ouvrir une école de deux classes, proche de l'orphelinat, rue de La Garaye. Le succès est important puisqu'en 1906 les religieuses scolarisent déjà 261 enfants.
Les archives municipales de Dinan conservent la trace d'un document indiquant que Philomène
Lequilleuc fait une demande officielle à la mairie pour l'ouverture d'une école
primaire privée le 4 octobre 1906. On note que la presse fait également état de cette demande mais que l'école se trouverait rue de La Garaye et de la Boulangerie. (voir ci-dessous)
Première interrogation : l'implantation initiale de l'école Notre-Dame-de-Lourdes était-elle donc différente de celle supposée par la suite du 24 rue de La Garaye ? Peut-être les locaux ne convenaient-ils pas et un changement s'est-il opéré ultérieurement ? Pourrait-il y avoir sinon une erreur dans cet article ?
L'école ouvre le lundi 17 décembre 1906 sous le nom de Notre-Dame-de-Lourdes. Une partie de l'opinion publique attendait cette création comme le traduit un journal local : "Nous souhaitons aux nouvelles maîtresses les mêmes succès qu'aux anciennes qui ont si bien mérité de notre ville et ont été si indignement traitées".(1)
Cette école dite "Ecole Notre-Dame" comprend quatre classes. Mademoiselle Trichet, Ursuline sécularisée, et Madame Thérèse Vogel-Boyer y enseignent.(2)
Un document conservé aux archives municipales de Dinan, contenu dans une liasse de papiers de cette époque, atteste la constitution d'une garderie de Notre-Dame-de-Lourdes. (voir ci-dessous)
Vers 1906. Archives municipales de Dinan |
L'école
Notre-Dame-de-Lourdes semble disparaître peu après selon certaines sources . Ainsi, Loïc-René Vilbert dans son ouvrage sur l'histoire des écoles catholiques de Dinan écrit dans les années 70 : "A la suite de l'expulsion des Ursulines en 1906, les paroisses de Dinan prennent en main l'éducation des filles. Monsieur le Chanoine Le Covec, curé de la paroisse St Malo, trouve auprès de Monsieur John Le Coq, banquier et Maître de chapelle de la paroisse, une aide précieuse par la mise à disposition de bâtiments situés rue de La Garaye, là où nous connaissons la conciergerie et le bar actuels de la Beaumanoir. Cette école dite "École Notre-Dame"... ne durera que quelques années."
En 2007, la directrice de l'école du Sacré-Coeur, située rue Chateaubriand, reprend la même idée au moment où l'école du Sacré-Coeur va fêter le 29 septembre 2007 ses cent ans d'existence : "D'abord École Notre-Dame, pour les filles, rue de La Garaye dans les locaux actuels de la Beaumanoir, les quatre premières classes de l'actuelle École du Sacré-Coeur sont construites en 1907-1908".
Un autre argument plaide en faveur de la disparition rapide de l'Ecole Notre-Dame dans le fait qu'une de ses enseignantes figure dans la liste du personnel du Sacré-Coeur, il s'agit de Mme Trichet (Mère Marie Borgia). Elle y enseignera de 1907 à 1914.
Cette thèse de la disparition très rapide de l'école Notre-Dame-de-Lourdes est tout à fait plausible mais le nom de cette école va perdurer comme le montrent les différents documents présentés dans la suite de cet article...
Alors cela veut dire que l'on parlera par la suite uniquement des locaux de l'école Notre-Dame et non d'une école en fonctionnement.
On parle de l'école dans la presse. Années 1920-1930
En 1922, deux articles parlent de l’Ecole Notre-Dame,
rue de La Garaye. Dans le premier, il s'agit de l'annonce de la kermesse de la paroisse Saint-Malo qui se tiendra "dans les beaux locaux et cours de l’Ecole Notre-Dame". Dans le second, c'est au sujet du tirage de la tombola de la société La Beaumanoir.
19 avril 1922. Ouest-Eclair |
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En 1924, il est question d'un récital de Théodore Botrel ("le barde universellement connu") dans la salle Notre-Dame. C'est le premier article d'une très longue série où le public de Dinan sera convié à assister à différentes sortes de spectacles dans une vaste salle, liée à l'école : 1927, un spectacle sur Le combat des Trente : "il y a foule, l'on s'écrase...", 1928 Jeanne d'Arc "salle archi comble", 1930 théâtre et conférence sur Mistral, 1931 Mam'zell Trinquette pour une séance du patronage Jeanne d'Arc, 1932 une conférence sur les grands auteurs romantiques et une autre organisée par l'union Catholique des Femmes, 1933 Le Berceau de Jésus...
8 novembre 1924. Ouest-Eclair |
En 1926, nous trouvons la mention de cette école dans un communiqué de l’Association des chefs de famille qui organise une représentation de La Passion à l’École Notre-Dame, rue de La Garaye les 2, 9, 16 et 30 mai 1926. (3).
Il ne s'agit pas d'un spectacle en salle car il faut accueillir 1500 personnes !
Document de la famille Métrope. |
Quelques mots sur ces représentations de la Passion du Christ en 18 tableaux : elles se déroulaient sous un chapiteau pouvant accueillir 1500 personnes. Célestin Levay les dirigea du 2 au 9 mai. Célestin Levay était musicien, banquier, adjoint au Maire sous le mandat de Monsieur Aubert, il dirigea vers 1926 la Chorale de l’Église Saint-Malo.
1934. Célestin Levay. Photo famille Métrope |
D'après la vue aérienne de l'l.G.N (certifiée du 20 avril 1955) on peut observer dans la cour intérieure de "La Beaumanoir" un
rectangle bien délimité qui de fait était le plateau-scène recevant la
"Passion de 1926" (repère avec indiqué 1 sur la photo). Bien
conservé ici en 1955 ... mais ruiné par la suite ; M. Loïc Métrope s'en souvient comme
élévation pour le rassemblement des équipes de "Cœurs Vaillants" du
patronage paroissial des années 1955-60. M. Métrope poursuit ainsi :
"On devine le décor ! Au-dessus, et couvrant toute la Cour un chapiteau jusqu'à possible vers les bâtiments du fond".
Mai 1926. La Voix de St Malo. Archives départementales |
Une remarquable photo de la famille Métrope nous donne à découvrir la terrasse surélevée qui en 1926 avait accueilli l'initiative de "La Passion" dirigée par Célestin Levay. On voit donc dans la cour de La Beaumanoir, Marinette Métrope (1922-2020) l'une des filles de Joseph Métrope (1885-1957). La photo est prise en septembre 1937.
Marinette Métrope 1937. Dinan |
En 1929, on installe à l'école une cantine pour les enfants "des écoles libres ou publiques". Cette cantine poursuivra son activité au moins jusqu'en 1934 (article ci-dessous).
Cantine 4 novembre 1929. Ouest-Eclair |
Cantine 24 décembre 1934. Ouest-eclair |
En 1931, c'est la colonie Saint-Louis qui établit ses quartiers dans la cour de l'école.
3 août 1931. Ouest-Eclair |
En 1934, un festival "dans la cour de l'école Notre-Dame" avec des clowns, les numéros de La Beaumanoir mais aussi des tableaux vivants de la troupe des Gregos Ryss...
21 juin 1934 Ouest-Eclair |
Toujours en 1934, la presse parle de la Cour Notre-Dame à propos de la Fête de la Beaumanoir...
Cour Notre-Dame 21 juin 1934 Ouest-Eclair |
Puis en septembre, c'est au tour de la colonie Notre-Dame d'y proposer une séance récréative. Les activités de la colonie se poursuivent régulièrement, au moins jusqu'en 1938 (article plus bas)
13 septembre 1934. Ouest-Eclair |
16 juillet 1938. Ouest-Eclair |
L'article ci-dessous de l'Union malouine et dinannaise du 18 août 1939 rappelle qu'il existe deux colonies de vacances : celles des garçons, "La colonie Saint-Louis", rue de la Garaye et celle des filles "La colonie Notre-Dame", rue Waldeck Rousseau. Dans les lignes qui suivent, on trouve le compte-rendu de quatre jours passés auprès des enfants...
L'école pendant la Seconde guerre mondiale
Dans
les années 40, on retrouve le nom de l’école Notre Dame, rue de la Garaye quand
l'école du Sacré-Cœur, occupée par des troupes allemandes, se replie dans ses
locaux.
Bernadette Châtelet, née en 1931, élève puis enseignante au Sacré-Cœur à Dinan de 1948-1954 raconte ainsi ses souvenirs des années 40 : "J'ai été élève au Sacré-Cœur dès l'année scolaire 1937-1938. Je me souviens que pendant la guerre, l'école s'était repliée rue de la Garaye dans l'école Notre-Dame (Ursulines) en 40-41-42. La maison existe toujours au bord de la rue. En 40 quand les allemands sont arrivés, au Sacré-Cœur, je revois encore un soldat allemand qui se baladait dans la cour de l'école avec un chapelet à la main.
En 1942, une Ursuline qui était alsacienne et parlait très bien l'allemand est allée réclamer qu'on lui rende le Sacré-Cœur. Elle a été entendue et en 1942 l'école va pouvoir reprendre ses activités en octobre après la réquisition par l'occupant allemand". (4)
A la lecture de ce témoignage, on comprend que lorsqu'il est question de l'école Notre-Dame, il s'agit davantage du bâtiment que d'une école en fonction.
Dans le document suivant daté du 21 mars 1942, l'adjoint au Maire de Dinan écrit aux autorités allemandes pour demander le retour de l'école du Sacré-Coeur dans ses murs, expliquant que "les élèves de cette école sont logées dans un bâtiment impropre et tout à fait incommode". Par le témoignage de Bernadette Châtelet, on a compris qu'il s'agissait des anciens locaux de l'école Notre-Dame-de-Lourdes...
Ci-dessous, cette photo d'une classe du Sacré-Coeur déplacée en 1941, a été prise à l'école Notre-Dame, rue de la Garaye.
1941, photo d'une classe du Sacré-Coeur déplacée à Notre-Dame rue de la Garaye. |
On y trouve : 1. Mlle Corneille 2. Mère Marie Guénebaud, directrice 3. Mlle Delarue 9. Jehanne Châtelet 4. Madeleine Grosset, Lucie Poulain, Marie-Annick Châtelet, Michèle Leplan 7. Denise Tuffi, 24. ? Hémeury (sœur de Charles) 25.Charles Hémeury.
Quels locaux pour l'école ?
Plusieurs écoles privées sont situées dans un même secteur géographique proche de l'église Saint-Malo de Dinan.
Au départ, l'école Notre-Dame-de-Lourdes (sur le plan 1) privilégiait l’éducation des jeunes filles
alors que l'Ecole Duguesclin et l'école des Cordeliers étaient consacrées à
l’éducation des garçons. L’ensemble
restait sous le patronage de la paroisse Saint-Malo.
Sur cette vue aérienne des années 30-40, on voit que, sur la parcelle numéro 1 (celle de l'école), un bâtiment est construit dans le prolongement de la maison située en bord de rue de La Garaye. Est-ce la cantine dont il a été question à partir de 1929 ? Est-ce la Salle Notre-Dame bien utile pour tous les spectacles ? Le terrain ressemble à une cour fermée avec peut-être un long préau. Mais là encore, on ne peut faire que des suppositions.
Dans le même secteur, en retrait de la rue, devait se trouver la première salle sportive de "La Beaumanoir". Elle sera
détruite et remplacée par une plus grande.
La maison sur le bord de la rue de La Garaye avait peut-être été utilisée pour des salles de classe mais sa fonction avait certainement évolué. Les témoignages qui suivent tendent à aller dans ce sens...
Photo aérienne des Archives départementales. Fonds Henrard |
Une autre photo aérienne, ci-dessous, est datée de 1930. On y découvre 4 écoles à partir du bas de l'image : 1 L'école Duguesclin, 2 L'école Notre-Dame, 3 L'école primaire de La Garaye dont la cour est cachée par de nombreux arbres, 4 L'école maternelle de La Garaye.
1930. Vue aérienne. Site des anciens de St Michel en Priziac |
La disparition de l'école et les nouvelles fonctions des bâtiments.
Dans la presse de l'après-guerre, on ne parle plus d'école Notre-Dame, mais on retrouve encore quelques mentions de la salle Notre-Dame, par exemple en 46 et 48. On apprend en particulier qu'en 1946, les bénéfices retirés d'une séance récréative serviront à réparer les locaux de la Beaumanoir, endommagés par des bombardements en août 1944.
10 mars 1946. Ouest-France |
5 avril 1948. Ouest-France |
Le 28 février 1949, Ouest-France informe que "la scène de la salle Notre-dame est actuellement... dans la cour de la Beaumanoir. Encombrement tout provisoire. Dans quelques jours la place sera nette et une scène rénovée s'offrira aux amateurs de théâtre.
Dans les années 50-60, certains se souviennent des activités qui se pratiquaient dans d'anciens locaux de l'Ecole Notre-Dame Rue de la Garaye. Loïc Métrope raconte :
« Dans
notre jeunesse c’était le lieu du "patro" de la paroisse Saint-Malo.
Elle y réunissait ses équipes : Bayard, Beaumanoir, Duguesclin, etc. pour se
rendre en balade à la Fontaine des Eaux, à La Croix-Verte, au Pont des
Planches… dans les années 1955-60.
La maison qui existe encore rue de La Garaye était réservée aux moniteurs. La
salle de télé à l'étage (parmi les premières) était ouverte pour nous
présenter, en revenant de balade, les feuilletons de l'époque
"Ivanhoé"; les émissions de Jean Nohain et autres; puis nous
repartions dans nos familles ».
D'après Loïc Métrope, dans les années 50-60, la maison était le logement de Madame Loquin qui sera cuisinière pour la Colonie paroissiale Saint-Louis aux Tertres à Plévenon par la suite. On notera que cette maison possède un intéressant "belvédère" que l'on retrouve dans plusieurs maisons de Dinan au XVIIe.
Vue après les constructions nouvelles. Photo RF avril 2024
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Sources
(1) Union malouine et dinannaise, décembre 1906
(2) Loïc-René Vilbert, Histoire des écoles catholiques de Dinan
(3) Documents d’archives familiales transmis par Loïc Métrope
(4) Les écoles primaires de Dinan, R. Fortat, page
25 (disponible à la bibliothèque de Dinan, à celle de St Brieuc et aux archives départementales)
La Voix de Saint-Malo du 9 mai 1926. Archives départementales.
Photo IGN, 1955. M. Loïc Métrope
Archives municipales de Dinan
Site des anciens de Saint-Michel-en-Priziac, cliquer ici
Merci à Loïc Métrope dont les correspondances ont relancé les recherches sur l’histoire de cette école.
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