lundi 17 juin 2024

Les écoles de Dinan en première ligne en 14-18.

 

 

Archives municipales de Dinan

L'annonce de la mobilisation est arrivée à Dinan par un télégramme. Ce sera le deux août 1914.


L'inspecteur d'académie s'adresse aux instituteurs. Beaucoup sont appelés sous les drapeaux mais les autres, à leur poste, doivent "mettre en garde contre les fausses nouvelles", "faire preuve de sang froid et du zèle patriotique".


La ville de Dinan avait vu la création à Dinan d’une crèche pour les enfants de moins de 10 ans dès le mois d'août 1914. D'autres actions ont été menées au sein des écoles de Dinan au moment de la Guerre 14-18.

En cette fin d’année 1914, les français savent que la guerre risque de durer car le front ne bouge plus et les armées adoptent le système des tranchées. Il faut mobiliser les populations pour soutenir les troupes, d’où cette suite d’initiatives organisées par les autorités et bien relayées à Dinan, avec l’aide des enfants des écoles.

 

Décembre 1914 : des cache-nez

Au début du mois de décembre 1914, H. Servain, le Maire de Saint-Brieuc lance un appel à ses collègues du département : « L’autorité militaire ayant besoin d’une très grande quantité de Cache-Nez pour les soldats qui sont sur le front, fait appel au dévouement patriotique des Instituteurs et Institutrices, sur lequel elle sait pouvoir compter. Les écoles des Côtes-du-Nord ont fourni jusqu’ici un très beau contingent de Chandails et de Chaussettes qui ont été envoyés par l’intermédiaire de la Croix d’Or, à l’intendance générale de Rennes.

On demande que, suspendant momentanément la confection de Chaussettes, ils ne fassent plus confectionner que des Cache-Nez. Ces Cache-Nez devront avoir 1m40 de long sur 0m28 de large, et peser environ 210 à 220 grammes. […] »

Les écoles sont donc sollicitées et M. Lainé, Inspecteur de l’Enseignement Primaire de Dinan, présente au Maire de Dinan « l’assurance de son entier dévouement » concernant cette proposition. 

Les écolières pratiquent la couture en classe et elles vont se mettre au travail pour les soldats. Le 23 décembre, la directrice de l’école de la rue Chauffepieds, Mme Morin, informe le maire qu’elle a fait parvenir un lot de lainages comprenant 22 cache-nez, 2 passe-montagne, 1 paire de chaussettes, 1 paire de poignets. D’autre part une somme de 22,85 francs a été recueillie.

Lettre de Mme Morin. Archives municipales Dinan

L’école des filles de la Rue La Garaye a, de son côté, confectionné 14 cache-nez et 7 chandails américains. La directrice Mlle Leclerch, se fait l’interprète de ses élèves qui « s’excusent de l’irrégularité de leur tricot à l’aiguille », expliquant que c’est la première fois qu’elles en font. Toutefois « elles ne demandent qu’à se perfectionner, si Monsieur le Maire veut bien encore leur confier de la laine. »

Lettre de la directrice de La Garaye. Archives municipales Dinan

Le Maire est enthousiaste, venant juste de recevoir tous ces travaux faits  « à l’intention des braves qui se battent là bas pour débarrasser le sol national des barbares qui le souillent et le ruinent. ». Il demande aux directrice de transmettre combien il a été touché de « sentir le cœur de ces enfants battre à l’unisson de celui de la municipalité. »

 

Les journées du Secours national. Mai 1915

Les 23 et 24 mai 1915 se déroulent Les journées du Secours national. Le Maire prie les directrices de lui faire parvenir le nom des élèves qu’elles comptent mettre à la disposition de la Municipalité pour mener ces deux journées d’action « à l’intention des malheureuses victimes des pays envahis par la bande criminelle des austro-allemands ». 

Mlle Morin de l’école des filles de Chauffepieds transmet trois noms : Madeleine et Marguerite Louriais, Germaine Ménard ; pour l’école de La Garaye les volontaires sont Louise Bichemin, Marie Poivet, Yvonne Corbel, Fernande Charlon (émigrée du nord); et enfin pour le collège de jeunes filles : Renée Marais et Mlle Charlopin. La mairie dispose d’affiches, de troncs, d’insignes. Chaque demoiselle reçoit un brassard et une carte d’identité de vendeuse.

Le 21 mai, Ouest Eclair en première page titre sur « La journée de la bonté nationale ». Pour ce quotidien, le Secours national symbolise l’unité du pays en ces temps difficiles « Il y a des catholiques, des protestants, des libre-penseurs. Il y a tout cela, mais en réalité, il n’y a que des Français. ». En ce dimanche et lundi de Pentecôte, « les organisations ouvrières, administratives et catholiques sont conviées à s’unir pour quêter, ces deux jours, en faveur des malheureux qu’assiste le Secours National, et particulièrement pour les veuves et les orphelins, pour les réfugiés et pour les populations des départements envahis. » (L’Union Malouine et Dinannaise 15 mai 1915)

Lettre de Mme Morin. Archives municipales Dinan

La journée des orphelins. Juin 1915

Un mois plus tard seulement, le 27 Juin 1915, vient la journée des orphelins. Le journal local, l’Union Malouine et Dinannaise, insiste sur l’union sacrée autour de cette cause : « Les fonds recueillis qui seront centralisés à la Banque de France, seront répartis entre les groupes suivants : Orphelinats corporatifs et mutualistes, orphelinats catholiques et professionnels, orphelinat des armées, Secours national. C'est-à-dire qu’un accord complet existe entre les divers groupements sans distinction d’opinions. » 

Les enfants des écoles ont sollicité la générosité des passants dans les rues de la ville. La quête a rapporté 422, 64 francs pour les Orphelins de la guerre.(7 juillet 1915 L’éclaireur dinannais).
3 juillet 1915. Union malouine et dinannaise

Vente de pochettes. Septembre 1915

Le 26 septembre 1915, nouvelle opération : vente de pochettes pour les éprouvés de la guerre. Les vendeuses se répartissent suivant les quartiers et là encore les demoiselles se distinguent : Mlles Hamoniaux et Gauvin de Chauffepieds et Bichemin du collège.

 

Les voeux de Noël. Décembre 1915 

Les écoles sont donc impliquées dans ce conflit avec les moyens qui sont les leurs. 

Par exemple, pour le noël 1915, les écoliers ont envoyé leurs vœux aux soldats afin de remonter le moral des troupes. On ne sait pas ce qu’il est advenu des vœux de l’école des filles mais ceux de l’école des garçons sont parvenus à un groupe de dinannais dans l’Adriatique à bord du bateau le Danton. 

Ils remercient, dans la presse locale les enfants et leur maître M. Honoré-Le-Dû.

 

Union malouine et dinannaise. 1916

 

La journée du poilu. Décembre 1915

En fin d’année, les 25 et 26 Décembre 1915, c’est La journée du poilu. Les collectes se déroulent dans l’arrondissement (Dinan, St Cast, Guenroc, Lancieux, Lanrelas, Trélivan, Tressaint, Jugon, Plouër). 



Le produit de la vente de cartes postales et d’insignes est destiné à venir en aide aux poilus sans famille et sans ressources et à leur permettre de profiter de permissions.



Deux volontaires du collège de jeunes filles, Mlles Hamon et Louriais, participent à cette journée. Elles peuvent vendre des médailles en bronze argenté ou en bronze doré, des broches et des épingles dorées  ou argentées mais aussi des insignes en carton et des cartes postales donnant droit au tirage de la « Tombola du poilu ». 

La somme récoltée est ce jour là de 694,55 francs. C’est aussi dans cette période, du noël 1915, que les écoliers vont envoyer leurs vœux aux soldats pour remonter le moral des troupes.


Archives municipales de Dinan
 

L'Emprunt National. Décembre 1915

En cette fin d’année 1915, l’Inspecteur d’Académie adresse une « petite lettre aux écoliers des Côtes du Nord pour les inviter à souscrire à l’Emprunt National ».

Depuis un an, les volontaires donnent, déjà chaque mois, un sou. C’est le sou des écoliers des Côtes du Nord. Mais il faut faire plus. « L’Emprunt National » est lancé : 

« Pour soulager des misères nées de la guerre, qui ont frappé des enfants comme vous, de pauvres orphelins, petits êtres, hier florissants, qui avaient comme vous leurs papas et qui ne les ont plus…Une société s’est formée, très noble, très ambitieuse dans son ardeur de faire le bien, celle de l’œuvre des pupilles de l’École Publique… »

Les enseignants et les enfants participent activement à la recherche de fonds nécessaires à son activité. L’école maternelle verse un total de 30 francs pour l’Emprunt National qui est enregistré à l’inspection académique au mois de décembre.

 

Bilan 1915

L’année 1915 sera donc particulièrement fournie en actions en direction de la population (à noter aussi, la journée Belge, la journée du 75…). 

 

En 1916

Les actions se poursuivent en 1916 où l'on retrouve par exemple "L'Emprunt pour la Défense"

28 octobre 1916. Union malouine et dinannaise

 

Bon de la défense nationale. 28 octobre 1916. Archives départementales

11 novembre 1916 L'éclaireur dinannais


Actions diverses, mars 1917

L'école Chauffepieds est toujours mobilisée en 1917 pour différentes actions : la reconnaissance des tombes de militaires et marins morts pour la patrie, le deuxième emprunt de la défense nationales, la journée Serbe, la ligue fraternelle des enfants de France, l'accueil français et la journée des éprouvés de la guerre. L'école a, en plus, récolté une sac de chiffons.

1T311 Archives départementales
 
1T311 Archives départementales

1T311 Archives 22

1T311 Archives 22

L'emprunt de la Défense nationale. 1917

La rentrée de 1917 est retardée, les maîtresses ont l’autorisation de prolonger les vacances pour que les travaux agricoles soient effectués avec le concours des enfants.

Le 9 sept 1917, l’Union Libérale nous signale le lancement pour cette année de « l’ Emprunt de la défense nationale ».

« Les élèves de l’école de filles de la rue de la Garaye ont souscrit une somme de 87 francs 20,  permettant l’achat d’un titre de rente de 5 francs, qui seront versés chaque année à la meilleure élève de l’école. La somme  perçue en trop a été versée à la caisse de l’œuvre des pupilles de l’école publique ».

Cette association va malheureusement connaître un développement considérable en raison des circonstances dramatiques.

 

Le sou de l'écolier. 1917

Les Archives départementales ont conservé une trace de la souscription de l’école maternelle en 1917 dans le cadre du sou des écoliers. 



Ci-dessous, la couverture du registre de l’Inspection académique de 1917.


Archives départementales

 

L'emprunt de la Liberté (ou de la Libération). 1918

Archives départementales

 

En septembre 1918,  les élèves remettent, de la part des instituteurs et institutrices, à leurs parents, une note explicative concernant le nouvel Emprunt de la Liberté :

« La guerre touche à sa fin ; nous hâterons la conclusion de la paix en prenant part aux 4 emprunts en cours. Nos jeunes élèves s’intéressent beaucoup à nos vaillants soldats dont ils admirent l’héroïsme et l’esprit de sacrifice… Ils  seront heureux de participer au succès du nouvel emprunt qui assurera le triomphe définitif et complet de nos armes. Ils rempliront ainsi un devoir patriotique et contribueront, en même temps, à fonder un deuxième prix d’honneur, celui de la libération… ». 


Affiche. 15 octobre 1918 Archives départementales

Le 24 novembre 1918, les élèves des écoles publiques des Côtes-du-Nord et leurs instituteurs et institutrices seront remerciés collectivement par l'Inspecteur d'académie M. Launay pour leur contribution à l'emprunt de la Libération.

Archives départementales.

Un peu plus tard, le 1er décembre 1918, dans l'Union Libérale, on apprend que « les souscriptions reçues par les jeunes filles de l’école de filles dirigée par Mlle Leclerc'h, ont permis d’acheter pour l’école un titre de rente de quatre francs. »

 

   

Des actions sans relâche

Alors que la guerre s'est éternisée durant 4 années, les actions dans les écoles vont se répéter sans relâche : la journée des orphelins constituera un rendez-vous annuel et les quêtes pour l’Emprunt de la Défense nationale reviendront à quatre reprises. 

Les enfants (et en particulier les écolières) poursuivront sans relâche leur mission, contribuant ainsi à soulager les plus faibles et à maintenir une solidarité avec ceux qui sont au combat.

1918-1920. Registre. Archives départementales

 

La fin de la Guerre

Pour célébrer la fin de cette terrible guerre, le Maire de Dinan aura certainement eu à coeur d'appliquer les consignes  envoyées par le Préfet et l'Inspecteur d'académie le 13 novembre 1918 :

" Pour fêter dans les écoles publiques la signature de l'Armistice et en graver le souvenir dans l'esprit des élèves, réunissez familles et élèves à l'école, samedi prochain de 8h à 9h30. Programme : causerie des maîtres, lectures patriotiques, chants et hymnes nationaux. Congé à partir de 9H30."


Fête de l'Armistice 1918. Archives municipales de Dinan

Cette courte cérémonie ne fera pas oublier les nombreux drames qui ont endeuillés les habitants de la ville de Dinan, ses écoliers, ses instituteurs et institutrices.

Les enfants auront perdu des pères, des oncles, des cousins, des voisins proches. Ils en resteront marqués à tout jamais.

Les enseignants du primaire auront perdu un collègue, Pierre Pillon, instituteur à l'école des Garçons, tué en 1917, laissant une veuve, institutrice à l'école des Filles de Chauffepieds, et deux orphelins.

 

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Sources

Archives départementales des Côtes d'Armor.

Archives municipales de Dinan, 

Bibliothèque municipale pour le presse locale de l’époque.

Archives Ouest-Eclair, 3 janvier 1916 (consultable sur le site Gallica) .


Certains éléments de ce texte ont été publiés dans le journal Le Petit bleu le 10 novembre 2011

 

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