Marie-Françoise Bellebon, née Huet, vient au monde le 16 novembre 1890 à la Chapelle-Blanche (22). Elle est la fille de
François Huet, cultivateur et de Joséphine Pellois, cultivatrice au Clos neuf.
Les débuts dans la carrière
Marie-Françoise Huet est nommée à l'école des filles de la rue de la Garaye de
1911 à 1913.
En septembre 1913, elle obtient son changement pour l’école Chauffepieds, toujours à Dinan.
Le 31 décembre 1913, elle se marie à Dinan avec Pierre Marie Bellebon, instituteur à
l’école des garçons.
Leur fils Roger, va naître le 23 juillet 1915 à Dinan et leur fille Suzanne le 22 mai 1925.
Marie-Françoise Bellebon avait pour soeur Sidonie Briand (née Huet, le 23 août 1893) qui fut également institutrice à Dinan, mariée avec Émile Briand, instituteur à l'école Honoré le Dû en 1945-46 (fiche ici).
Il est difficile de recueillir des témoignages de cette époque mais Mme
Alice Leport, née Brandily, élève à partir de 1927, a laissé quelques notes écrites dans les archives de l'école : "A la fin des années 20, les leçons de chants avec Mme Bellebon qui s'accompagne à la mandoline, les cours de travail manuel où l'on fait des abécédaires, le poêle entretenu par l'élève de service, l'éclairage au gaz dans la classe, les robes noires des maîtresses, les cours de catéchisme où les élèves arrivent en retard parce que l'institutrice ne se gêne pas pour faire traîner la leçon..."
Le décès de son époux. 1934
Son mari, Pierre Bellebon, décède le 19 juillet 1934 à Dinan, il n’avait que 44 ans. La
perte est immense et ce décès entraine également des difficultés
administratives et financières pour sa veuve. Elle s’en ouvre à
l’Inspecteur d’académie dans un courrier du 20 octobre 1934 : « Je
me trouve hors d’état d’acquitter les frais de pension de mon fils
aîné, élève non boursier au Lycée Louis Le Grand à Paris si une avance
sur pension ne m’est pas accordée. », écrit-elle.
Le journal de bord de 1944
Pendant la guerre 39-45, Mme Bellebon tient régulièrement un journal de bord qui constitue un précieux document sur l'année 1944 à Dinan. En voici des extraits choisis et 'intégralité de ce texte est à retrouver dans un article rédigé et annoté par Diane Monier-Moore dans la publication Le Pays de Dinan, 2014.
Il faut savoir que Mme Bellebon réside dans un appartement de l'école Chauffepieds, proche du Jardin anglais.
Le lundi 12 juin 1944, craignant un bombardement massif allemand de la gare, les quelques élèves présents à l’école sont renvoyés dans leur famille. Sur le conseil de la directrice, Mme Drouot, elle décide de quitter Dinan pour le sud de la ville vers Calorguen et Saint-Carné : « La rue Waldeck-Rousseau est noire de monde, de gens qui tous prennent la direction de la Porte Saint-Louis pour suivre les uns la rue Beaumanoir, les autres la rue de Coëtquen, d’autres la rue Chateaubriand vers Léhon. C’est comme une fourmilière humaine ! […] Derrière nous, vient toute l’école de rééducation avec les religieuses, élèves et maîtres. On pousse en voiture de petits infirmes qui sont plâtrés. Les enfants, très énervés, tremblent, grimacent, voudraient la main des maîtres pour se sentir en sécurité» […]
« Je m’en veux d’avoir été si peu réfléchie, que je suis partie en sabots, en tablier avec un manteau de tous les jours usagé, sans chapeau sous le soleil. »
On apprendra en fait que cette panique a été provoquée par un mauvais plaisantin qui avait fait le pari de vider la ville !
Lundi 31 juillet
Alors que les troupes américaines sont signalées, le matin, à quelques dizaines de kilomètres de Dinan, Mme Bellebon continue d’assurer son service : « A 2 heures, je descends en classe où les élèves sont convoquées pour la correction hebdomadaire des devoirs donnés à faire à la maison. Une élève seulement est exacte. Les autres sont allées voir ce qui se passe sur le Jardin anglais où, me dit-on, les Allemands disposent de mitrailleuses pour défendre la ville. […] Mais il faut se rendre à l’évidence et songer au départ aujourd’hui même. […] Selon toute probabilité, le viaduc sautera et, en même temps, notre vaisselle ».
Mme Bellebon arrive le soir à Calorguen.
« Je m’en veux d’avoir été si peu réfléchie, que je suis partie en sabots, en tablier avec un manteau de tous les jours usagé, sans chapeau sous le soleil. »
On apprendra en fait que cette panique a été provoquée par un mauvais plaisantin qui avait fait le pari de vider la ville !
Lundi 31 juillet
Alors que les troupes américaines sont signalées, le matin, à quelques dizaines de kilomètres de Dinan, Mme Bellebon continue d’assurer son service : « A 2 heures, je descends en classe où les élèves sont convoquées pour la correction hebdomadaire des devoirs donnés à faire à la maison. Une élève seulement est exacte. Les autres sont allées voir ce qui se passe sur le Jardin anglais où, me dit-on, les Allemands disposent de mitrailleuses pour défendre la ville. […] Mais il faut se rendre à l’évidence et songer au départ aujourd’hui même. […] Selon toute probabilité, le viaduc sautera et, en même temps, notre vaisselle ».
Mme Bellebon arrive le soir à Calorguen.
Jeudi 3 août
Jean Drouot et J. et Elie Briand sont à Calorguen et ils évoquent avec Mme Bellebon « les terribles émotions du bombardement qui a duré 6 ou 7 heures » :
« Les habitants de l’école Waldeck étaient réunis dans les abris de la cour. C’était terrifiant. Des obus sont tombés tout près sur le mur de clôture de l’hôpital. J. Drouot a cru, à midi, quand le bombardement s’est intensifié, qu’il n’arriverait pas vivant en longeant le mur jusqu’aux abris ; les éclats pleuvaient autour de lui. Un obus est tombé près de l’arrière du pavillon du directeur. M. Cario, qui se préparait à sortir de sa cave, l’a échappé belle. La porte de la chambre du rez-de-chaussée de M. Lebreton a été arrachée et jetée sur le lit. Tous les carreaux à peu près sont en miettes. Les collègues ont passé la nuit dans les abris. »
Samedi 5 août
« Je réalise que si le bombardement vient de Lanvallay, notre école, si proche, a toutes les chances d’être démolie, que la violent démolition du pont l’a pour le moins ébranlée sinon mise à bas… » (En fait l’école ne sera pas endommagée)
Lundi 7 août
Jean Drouot et J. et Elie Briand sont à Calorguen et ils évoquent avec Mme Bellebon « les terribles émotions du bombardement qui a duré 6 ou 7 heures » :
« Les habitants de l’école Waldeck étaient réunis dans les abris de la cour. C’était terrifiant. Des obus sont tombés tout près sur le mur de clôture de l’hôpital. J. Drouot a cru, à midi, quand le bombardement s’est intensifié, qu’il n’arriverait pas vivant en longeant le mur jusqu’aux abris ; les éclats pleuvaient autour de lui. Un obus est tombé près de l’arrière du pavillon du directeur. M. Cario, qui se préparait à sortir de sa cave, l’a échappé belle. La porte de la chambre du rez-de-chaussée de M. Lebreton a été arrachée et jetée sur le lit. Tous les carreaux à peu près sont en miettes. Les collègues ont passé la nuit dans les abris. »
Samedi 5 août
« Je réalise que si le bombardement vient de Lanvallay, notre école, si proche, a toutes les chances d’être démolie, que la violent démolition du pont l’a pour le moins ébranlée sinon mise à bas… » (En fait l’école ne sera pas endommagée)
Lundi 7 août
Alors que les allemands ont déjà quitté la ville, le dimanche 6 août, Dinan est libéré par les Américains. Le retour sur Dinan s’effectue le lendemain, 7 août : « Nous arrivons à la maison. La cour de l’école est jonchée de débris. C’était prévu. » Heureusement, dans l’appartement de la rue Chauffepieds, les dégâts sont superficiels.
Conclusion
Conclusion
Ce récit de Mme Bellebon met en évidence ses qualités littéraires, son écriture est précise, directe et nous fait partager tous ces moments importants comme pourrait le faire un reporter de guerre. Ses commentaires nous en disent un peu plus sur sa personnalité. Ses choix clairement affirmés vont du côté de la France Libre mais Mme Bellebon n’aime pas les règlements de comptes expéditifs, la justice faite au coin de la rue avec toutes les erreurs possibles et cette violence qui se déchaine alors… C’est particulièrement criant dans la description qu’elle fait d’un soldat allemand blessé et achevé par des Résistants à Calorguen : « Que la guerre est une chose horrible. Les Résistants l’ont massacré sans pitié. Pourquoi ne l’avoir pas fait prisonnier ? […] Maintenant, des gens accourent vers le cadavre. Pas moi, pas nous, ah non !»
Un autre passage concerne une institutrice après la libération de Dinan, au moment où on exhibe les collaborateurs, le lundi 7 août : « On parle aussi de l’arrestation d’une collègue réfugiée au poste. Allons-nous la voir défiler aussi ? Ce serait assez gênant pour la corporation, indépendamment de toute pitié pour elle. »
Marie-Françoise Bellebon sera restée digne, juste, compatissante, loin de tout esprit de vengeance.
Un autre passage concerne une institutrice après la libération de Dinan, au moment où on exhibe les collaborateurs, le lundi 7 août : « On parle aussi de l’arrestation d’une collègue réfugiée au poste. Allons-nous la voir défiler aussi ? Ce serait assez gênant pour la corporation, indépendamment de toute pitié pour elle. »
Marie-Françoise Bellebon sera restée digne, juste, compatissante, loin de tout esprit de vengeance.
Dernières années
On ne sait pas à quelle date exacte Mme Bellebon arrêta de travailler, certainement quelques années après 1945. Mais après avoir passé sa retraite à Dinan rue Joseph Lesage, Marie-Françoise Bellebon est décédée à Dinan le 11 juillet 1973.
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Pour en savoir plus
Portrait de Pierre Bellebon dans ce blog, cliquer ici
Histoire de l'école de filles Chauffepieds, cliquer ici
Histoire de l'école des garçons, appelée ensuite École Honoré-le-Dû, cliquer ici
Article
complet rédigé par Diane Monier-Moore dans la publication « Le Pays de Dinan, 2014 » à partir du journal de bord de Mme Bellebon pendant l'année 1944.
Sources
Archives départementales, dossier personnel
Archives départementales. Registres naissances La Chapelle Neuve, vue 84, cliquer ici
Registre des mariages 1913 Dinan, vue 78, cliquer ici
Correspondances avec Alain Bellebon, janvier 2024
Site Généanet, fiche sur Marie-Françoise Huet, mariée Bellebon, cliquer ici
Site Généanet, fiche sur Roger Bellebon, fils, décédé en 2010 à Saint-Malo, cliquer ici
Site Généanet, fiche sur Sidonie Huet, soeur de Marie-Françoise, cliquer ici
Archives de Ouest-Eclair.
Archives de l'école Chauffepieds de Dinan.
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