dimanche 10 décembre 2023

Ecole mutuelle au XIXème siècle à Dinan


Ecole mutuelle de Dinan

1833-1866


 

 

Si un nom doit être retenu pour toute cette période du début du 19ème siècle, c'est celui de M. Leyder, directeur de l'école mutuelle de 1833 à 1866. 

Son impact dans l'histoire de l'enseignement primaire à Dinan est comparable à celui de M. Honoré Le Dû qui dirigera l'école des garçons de 1885 à 1923. 

Le premier est un pionnier et le second, un hussard de la République.

 

 

L'importance de cette école mutuelle synonyme ou presque de « laïque », dirigée par M. Leyder est primordiale car l'école communale des garçons sera fondée sur les bases de l'école mutuelle. 

De la même manière, l'école communale des filles sera bâtie sur la structure de la Salle d'asile dirigée par les sœurs de la Sagesse, rue de la Garaye.

 


 


 

Les débuts de M. Leyder

 

L'état civil nous apprend qu'Isidore, Pierre Louis Leyder est né à Dinan le 26 fructidor de l'an 10 de la Révolution (soit le 13 septembre 1802). 

 

1802. Naissance Isidore Leyder à Dinan. Etat civil de Dinan

 

 

On ne sait pas avec précision où M. Leyder avait été formé comme instituteur, sans doute pas à l'école normale de Rennes (ouverte en 1831). Peut-être a-t-il été formé par un maître remarquable, Louis-Etienne Campion, et ce comme 50 autres enseignants dans l'école modèle de St Brieuc qu'il dirigera entre 1831 et 1835 ? Formé à l'école modèle de Paris, M. Campion deviendra en 1835 le premier inspecteur primaire du département.

 

 

 

 

Portrait d'un instituteur hors pair

 

Nous avons, pour mieux cerner ce personnage, un témoignage qui nous est, par chance, parvenu dans un récit publié par le journal L'Union malouine et dinannaise le 10 octobre 1923. 

 

L'ancien élève tenait à rendre hommage  à M. Leyder « un brave et excellent homme ». L'école était alors installée à l'entrée de la rue Chauffepieds, dans l'immeuble contigu au presbytère de l'église St Sauveur.

 

 

« M. Leyder s'occupait des plus âgés de ses élèves et les plus petits confiés aux soins de ses deux filles qui le secondaient de façon fort intelligente avec infiniment de patience et de dévouement, qualités indispensables à ceux et celles dont la tâche est d'éveiller et d'intéresser la vie des jeunes bambins pensant bien plus au jeu qu'à l'étude. 

 

Lorsque les nécessités du ménage, dont la plus jeune des demoiselles Leyder était particulièrement chargée, tenaient celle-ci un instant éloignée de ses écoliers, c'est à la bonne maman Leyder qu'incombait la charge de les garder et de les surveiller. Madame Leyder était infirme et ne marchait qu'à l'aide d'une canne.

 

Dans nos jeunes cervelles, bien étourdies pour la plupart, y avait-il place cependant à un sentiment de compassion ? Il faut le croire car chacun s'efforçait de rendre légère la surveillance de Madame Leyder et de se montrer, envers elle, d'une docilité exemplaire. Souvent, en ce cas, une récompense (et la récompense était joliment appréciée) nous était octroyée. On avançait l'heure de la récréation qui se prenait  dans une courette située derrière la maison et précédant une large allée allant jusqu'aux jardins de la Victoire.

 

Plus tard, l'école  fut transportée sur le jardin anglais, dans l'immeuble qui fait suite à la villa [...] dont l'arrière donne sur la rue des Remparts.

 

A la mort de M. Leyder, sa fille aînée, durant plusieurs années, conserva la direction de cette institution où débutèrent des centaines de nos concitoyens avant leur entrée au collège dans les classes primaires auxquelles l'enseignement consciencieux et éclairé qu'ils avaient reçu rue Chauffepieds ou jardin anglais du vieux maître aimé ou de sa fille, les avait fort bien préparés..

 

 

 

 

L’installation à Dinan

 

 

Mais voyons donc comment tout cela avait commencé pour M. Leyder à Dinan....

 

L'ouverture de ces écoles mutuelles n'a pas été simple et elle a donné lieu à quelques batailles politiques. 

 

 

Archives départementales. 1T152

 

Jean-Marie de la Mennais en 1818 déclarait ainsi au ministre de l'Intérieur : « Depuis deux ans il est question d'établir dans le département des Côtes-du-Nord des écoles d'enseignement mutuel ; je m'y suis opposé pour deux raisons : 1) parce que je crois cette méthode dangereuse ; 2) parce que dans ce pays-ci elle n'a pour partisan que les ennemis de Dieu ou du Roi ». 

 

J.M de La Mennais

 

 

Il est vrai que sur St Brieuc, les personnes influentes, qui ont soutenu l'ouverture de l'école en souscrivant, ne sont pas neutres (quatre parmi eux sont ou ont été francs-maçons). 

« On peut considérer que ces notables sont assez imprégnés des idéaux de 1789 et de l'esprit des lumières ». 

 

Il n'hésiteront pas à signer et faire signer des pétitions quand l'école sera menacée à trois reprises par des attaques cléricales ou une décision municipale. (1) 

 

L'Inspecteur M. Delamarre est venu dès 1817 défendre l'idée d'installer une école mutuelle à Dinan. Il y a rencontré un accueil favorable des notables de la ville, mais l'abbé Bertier n'a pas caché alors son opposition : 

« ... J'avais dit d'abord que je mettrais le feu à notre maison plutôt que de l'accepter. Mais d'après les explications qui me furent données [...], je ne crus pouvoir m'opposer au suffrage unanime de notre comité. » (2)

 

L'abbé semble résigné mais finira par se reprendre et peser de toute son influence le 1er jeudi d'août 1817 en réunion du comité cantonal. Le 15 mai 1819, après avoir voté à bulletin secret, le Conseil municipal rejette la proposition du sous-préfet d'installer une école mutuelle à Dinan. Mais bientôt, les choses évoluent...

 

 

 

L'ouverture officielle de l'école mutuelle

 

 

La décision officielle d'ouvrir une école primaire d'enseignement mutuel est prise le 20 juillet 1833

 

Elle fait suite aux récentes lois Guizot du 28 juin 1833 qui instaurent une sorte de service public. 

Dans la logique des choses, le  18 septembre 1833, le recteur de l'Académie avertit le maire de Dinan : 

« J'ai écrit au Sieur Leyder de se rendre le plus tôt possible à Dinan, afin de s'entendre avec vous pour l'ouverture de l'école Mutuelle ».

 

Cette décision peut surprendre sur le plan pédagogique car elle est en décalage avec ce qui est édicté au niveau national. La loi Guizot indique que l'enseignement mutuel n'a plus la faveur de l'Université, lui préférant la méthode simultanée. Pourtant c'est bien ce type d'école qui est ouvert en septembre de la même année. 

Dans les villes d'assez forte population d'ailleurs, les écoles mutuelles continueront de se développer car elles permettent de scolariser un grand nombre d'enfants avec peu de personnel. Par exemple, dans les Côtes-du-nord, la première école mutuelle fut celle de St Brieuc en 1818.

 

 

 

Les méthodes d'enseignement en 1830

 

Pour bien comprendre ces distinctions, il faut savoir que l'enseignement vers 1830 est de trois types : individuel, simultané ou mutuel. 

Dans la méthode individuelle l'adulte passe d'un élève à l'autre pour le faire lire et réciter ou l'enfant est appelé par l'adulte pour lire auprès de lui. L'élève est un « commençant » et il n'a donc pas besoin d'une table, un simple banc lui suffit. Quand l'enfant saura lire, il pourra alors commencer l'écriture. Le mode simultané a été introduit par les frères des écoles chrétiennes (Jean-Baptiste de La Salle).

 

Les enfants sont répartis en plusieurs divisions, en fonction de leur niveau. Il existe trois classes successives : première classe de lecture, deuxième classe de lecture bien assurée et d'écriture, troisième classe avec un effectif plus réduit pour la grammaire, l'orthographe et le calcul. 

 

Le mode mutuel permet de regrouper un très grand nombre d'enfants avec un seul maître. Celui-ci est secondé par des enfants plus avancés dans les leçons. Ils sont appelés « moniteurs » et sont chargés de transmettre leurs connaissances. 

 

Dans un contexte où une véritable guerre d'influence s'exerce à Dinan, on peut penser qu'au moment où les Frères s'installent en 1833 dans de nouveaux locaux, c'est par souci d'équilibre que les autorités décident parallèlement l'ouverture d'une école mutuelle dirigée par un laïc. 

 

La loi de juin 1835 autorise les Frères dotés d'un brevet à occuper les fonctions d'instituteur communal. Mais il ne se passera pas à Dinan ce qui est arrivé à Redon la même année où 3 Frères sont chargés de l'enseignement de l'école mutuelle qui vient d'ouvrir, avec rapidement plus de 300 élèves. 

Le recteur a peut-être pris les devants en annonçant son choix d'envoyer M. Leyder pour couper l'herbe sous le pied de Jean-Marie de la Mennais.

 

 

 

 

Les premiers pas de l'école mutuelle de Dinan

 

 

L'école mutuelle peut commencer son travail avec pour seul maître M. Leyder et ses 75 élèves (dont 55 gratuits) alors qu'à l'ouverture en octobre elle n'en comptait que 18. Il dresse la liste au 31 décembre de l'année 1833. Le succès n'était pas assuré car par exemple à Rennes en 1817, l'école mutuelle avait vu fondre ses effectifs passant de 190 à 80 après de multiples attaques du clergé. (3) Cette création n'empêche pas les autres instituteurs de continuer d'exercer dans leurs établissements en 1833, 1834 comme M. Gautier, M. Picard et M. Baudet.

 

Vingt élèves paient une rétribution mensuelle alors que tous les enfants pauvres y sont admis gratuitement, c'est ce qui explique en partie son succès. Mais l'étendue des disciplines proposées y est aussi pour beaucoup. 

 

On y enseigne, dès l'année 1833, le catéchisme du diocèse, les prières, la lecture, l'écriture, les éléments de la grammaire française et de l'arithmétique, le système légal des poids et mesures, des notions de géographie. Enfin, les élèves sont conduits à l'église tous les dimanches. Il faut  noter que sur les 9 garçons comptabilisés à Dinan comme protestants dans une étude statistique, 8 vont à l'école de M. Leyder.

 

Nous savons aussi que 88 élèves fréquentent avec assiduité l'école en hiver alors qu'en été, ils ne sont que 70. (4) Le 31 mars 1834, le nombre des élèves s'élève à  95 (74 gratuits et 21 payants). Le succès est là. Pour le premier trimestre, les appointements de M. Leyder sont de 250 francs et il faut déduire les 54,50 francs réglés par les « élèves payants ». Il reste à régler à M. Leyder 195,50 francs. 

 

 

 

Les finances, nerf de la guerre

 

La question des finances est récurrente dans les courriers entre M. Leyder et la municipalité. C'est au maître qu'il revient souvent de faire la démonstration que ses demandes peuvent être reçues favorablement, grâce à un astucieux montage financier. 

Les contributions des familles les plus aisées sont ainsi prises en compte ainsi que les salaires plus ou moins importants des adjoints du directeur. 

Par contre à Dinan, il ne semble pas qu'il y ait eu de souscription pour ouvrir l'école comme cela s'est fait à St Brieuc ou à Paimpol par exemple. 

 

L'implication financière de la commune est déjà importante : la ville finance le local des classes, le logement du directeur, les salaires, les fournitures scolaires de bases pour les enfants pauvres. 

Mais pour M. Leyder c'est un combat qu'il ne faut pas lâcher. Il a des responsabilités car doit déjà subvenir aux besoins d'une petite famille qui ira en s'agrandissant. Ainsi en 1836 Isidore Leyder est répertorié comme chef de pension ainsi qu'Emilie Mallard, sa compagne, Emilie Leyder 4 ans, Auguste 2 ans et Eugène Mallard 14 ans. Tous vivent sous le même toit rue de l'Horloge. 

 

 

 

Le matériel scolaire

 

En juillet 1834, M. Leyder va pouvoir fournir à ses élèves des livres donnés par le sous-préfet et transmis au maire. Les ouvrages disponibles dans les classes sont surtout utilitaires (abécédaires, alphabets). 

 


 

D'autres, comme les livres de religion et de morale servent de support de lecture tout en inculquant les principes de l'époque. L'inconvénient est qu'ils finissent par être connus par cœur. Il est donc utile que des ouvrages plus documentaires ou romancés trouvent une place dans les classes. Ils sont indispensables pour faire progresser les enfants en lecture en dehors des apprentissages systématiques et trop scolaires. A ce titre le « Robinson » fait figure de livre rare !

 

 

Liste de juillet 1834 destinés à l'instruction primaire :

 

15 histoires tirées de l'écriture sainte

L'économie industrielle

Le petit producteur français

Robinson dans son isle

Conseils sur la santé

L'art de fertiliser les terres

Minéralogique populaire

L'instruction mise à la portée de toutes les classes

6 alphabets français.

 

 

M. Leyder ne manque pas une occasion pour améliorer l'enseignement à l'école des garçons. Il se charge de fournir à la mairie dès 1834 une liste des objets qui composent le matériel d'une école d'enseignement mutuel à commander à Louis Colas, libraire à Paris :

collection de tableaux cartonnés de lecture et d'arithmétique et de grammaire, dix exemplaires de la doctrine chrétienne par Lhomond, vingt exemplaires de cahiers lithographiés, 40 ardoises polies et rayées, 100 crayons d'ardoise et 36 de craie, Six tableaux noirs pour l'arithmétique, 40 porte-crayons, des billets de satisfaction, 3 croix d'argent et médailles de moniteur, une petite cloche et un sifflet... 

 

 

Billet de satisfaction d'une école inconnue. 1915

 

Les billets, croix et médailles font partie des fournitures indispensables au système éducatif de l'époque qui repose beaucoup sur l'obtention de récompenses. Ainsi avec 25 bons points on obtient un billet de satisfaction, avec 4 billets on a une carte de mérite et enfin 4 cartes s'échangent contre une équerre, un paquet de plumes, du papier à lettre...

 

Médaille des écoles mutuelles. Recto

 

 

Médaille des écoles mutuelles. Verso

 

M. Leyder fait ajouter une autre liste (le 25 mai 1834) correspondant au matériel des deux classes de l'enseignement simultané. 

 

 

 

 

Le recrutement de l'école mutuelle

 

La première liste d'élèves dressée par M. Leyder en 1833 ne comportait que les noms, celle des 81 élèves de 1835 donne des indications intéressantes avec l'adresse des parents. 

 

Liste 1833

 

On y apprend ainsi que le centre ville est bien représenté : 8 enfants de la rue de la Chaux, 5 de la place des Cordeliers et de la place Duguesclin,  de la rue de Léhon, de l'Horloge, de l'Apport, de la Cordonnerie, de la croix plate, de la vieille Poissonnerie. Les autres sont du Jerzual, du Bas Bourneuf, de Beaudoin etc. 

Les communes proches fournissent aussi des élèves : 9 de Léhon, 4 de Taden, 3 de Lanvallay, 2 de Calorguen, 1 de « Tréveron ». 

Un quart du recrutement est donc hors Dinan.

 

 

 

Un catalogue de revendications 

 

M. Leyder dans une nouvelle lettre au Maire (17 juillet 1835) complète l'éventail de ses revendications. Il met les formes pour décrire une situation pourtant difficile :

« On conviendra qu'un maître seul peut difficilement surveiller et instruire 90 élèves non réunis dans la même salle ; qu'on ne peut attendre de moniteurs âgés de 8 à 10 ans tout ce que l'on désirerait. 

On conviendra aussi qu'il y a dans l'enseignement des leçons qui ne peuvent être bien données que par le maître (Je veux parler des leçons de grammaire et arithmétique). Il faut donc un sous-maître si l'on veut obtenir de très bons résultats et donner de l'extension à l'école. 

 

Je connais, Monsieur le Maire, tous les sacrifices que fait la ville pour l'école élémentaire [...] 

Je crois qu'il serait facile de former le traitement d'un sous-maître en imposant à une modique rétribution mensuelle les élèves qui appartiennent à des  parents aisés ; et j'ai l'intime conviction que tous se prêteraient de bon cœur à cette mesure. » 

 

La lettre a beau se terminer par la formule « votre très humble et obéissant  serviteur», les choses sont dites... 

 

17 juillet 1835 Leyder.

 

Ajoutons aussi qu'un voisin s'est plaint fin juin des latrines de l'école qui coulent dans son écurie faisant partie de l'hôtel du Reslou !

 

Maison d'école rue de l'Horloge à Dinan

 

 

 

Un maître supplémentaire

 

L'été passe, non sans que le 21 juillet 1835 une mention honorable soit décernée par le ministre de l'instruction publique pour M. Leyder (et une médaille pour le frère Paul de l'instruction chrétienne ), et le 20 septembre la mairie semble avoir entendu la requête de M. Leyder puisque qu'une affiche met au courant les dinannais sur des changements à l'école mutuelle : 

 

«  Le public est informé par le Maire M. Egault et le directeur M. Leyder de plusieurs nouveautés concernant l'école mutuelle, en particulier qu'un nouveau maître, M. Barret, est nommé adjoint

Il enseignera le catéchisme, la lecture et l'écriture, l'arithmétique, le système légal des poids et mesures, les principes de la langue française et le dessin linéaire.

Les élèves seront conduits à la Messe tous les dimanches et à la promenade les jours de congé. »

 

 


 

L'insuffisance de moyens persiste

 

Alors que l'école semble avoir du succès, M. Leyder écrit au maire pour réclamer plusieurs tableaux noirs pour l'arithmétique et des livres car  ceux « dont se servent journellement les enfants depuis 4 ans sont à peine lisibles » (août 1837). De plus, les effectifs sont trop nombreux même s'il y a l'aide de M. Le Bastard son nouveau maître adjoint (de 1836 à 1838). La maison d'école a subi de gros dégâts, d'après le propriétaire, car la toiture n'a pas été entretenue comme la mairie s'y était engagée (lettre du 9 janvier 1837).

 

Le directeur affirme qu'il suffirait de faire quelques réparations dans l'une des salles de la maison pour trouver trois classes assez convenables. En attendant, au mois de novembre, « la salle où se tient la classe la plus nombreuse est si sombre que dans cette saison plus de vingt élèves sont dans l'impossibilité de lire et d'écrire. L'autre classe qui est au-dessous de la première n'est pas aussi sombre ; mais quel désagrément pour un maître, d'avoir sur la tête le bruit d'une centaine d'enfants. » (lettre de M. Leyder, novembre 1837)

 

 

 

Changer de locaux

 

Le collège ayant une importante baisse de ses effectifs, le conseil municipal se posa la question de son avenir. M.Leyder en novembre 1837 en profite pour suggérer au maire de déplacer l'école dans des locaux qui pourraient être laissés vacants par le collège communal après la fermeture de ses portes en octobre 1837. Mais, déception,  le 3 avril 1838, le conseil municipal prend la décision de rouvrir le collège, laissant l'école dans ses locaux vétustes. M.Payard, son adjoint de 1838 à 1840, doit également être déçu...

Le 23 septembre 1840, M. Leyder évoque la distinction qui va être faite d'une classe gratuite et d'une classe payante. Il poursuit en exposant au maire une curieuse organisation qui vise à une séparation scolaire suivant les revenus :

 

« Je dispose en ce moment d'une classe pour les indigents qui pourra contenir de 60 à 70 élèves et je ferai en sorte que ces élèves n'aient aucune relation avec ceux des autres classes. La cour sera interdite aux élèves de la première catégorie ; à leur arrivée ils entreront immédiatement dans leur classe et sortiront un quart d'heure avant les autres. Les maîtres-adjoints se rendront ici 20 minutes avant le commencement de la classe, pour veiller à l'exécution de ce règlement ». 

 

Deux jours plus tard (25 septembre 1840), il interpelle de nouveau le maire pour faire état des difficultés au niveau des effectifs grandissants :

 « Le nombre des enfants indigents qui se présentent chaque jour pour être admis dans notre école est si considérable que nous allons nous trouver dans la nécessité d'ajourner l'admission d'un grand nombre de ces enfants. »

 

 

 

 

L'école déménage rue de Léhon

 

Si des courriers ne le mentionnent pas, il va bien se produire un changement pour l'école puisqu'en 1841 le bail de la rue de l'Horloge est venu à échéance. 

M. Leyder est recensé rue de Léhon, dans l'enceinte du collège (sur le plan de 1846, c'est la parcelle 1129). 

 

L'école  a donc déménagé et le directeur en occupe une partie avec sa famille (Emilie Mallard est devenue « dame Leyder »). Ses revenus doivent être meilleurs puisqu'une servante est avec eux.  

 

 

 

 

Bilan des douze premières années de l'école mutuelle

 

En août 1845, un rapport fait le bilan des 12 premières années de l'école dirigée par M. Leyder. L'organisation pédagogique minutieusement décrite donne de précieux renseignements sur l'école mutuelle. La dimension  religieuse des enseignements y est aussi rappelée avec insistance, M. Leyder ne tenant pas à être attaqué sur ce sujet. Il faut dire que les tensions étaient vives à Dinan entre les partisans du collège tenu par les ecclésiastiques et ceux du collège de la ville. 

 

« Les adversaires du collège employèrent toutes les armes contre le principal : lettres anonymes, libellés injurieux, menace de mort. Selon le journal « Le Dinannais » du 20 janvier 1839, on accuse le personnel du Collège d'irréligion et d'immoralité, on y insinue qu'on enseignait la religion protestante ! Tous les matins on trouvait affichés des placards insolents à la porte du Collège » (5)

 

« Ecole élémentaire communale et chrétienne de Dinan.

 

Cette école instituée depuis douze ans a toujours suivi une progression ascendante.

Deux médailles académiques, des mentions honorables sont venues à diverses reprises récompenser et encourager les efforts de son directeur ; et on peut rendre cette justice à l'établissement que les élèves qui en sortent se distinguent généralement par leur bonne conduite et leur supériorité, soit dans les classes humanitaires, soit dans des professions industrielles.

L'enseignement s'y divise en deux grandes sections :

Dans la première, celle des commençants, on suit le mode mutuel. On y enseigne : la lecture, l'écriture, les éléments de grammaire française, les éléments de calcul. Le catéchisme y est aussi l'objet d'une étude préparatoire.

Dans la deuxième section, les élèves suivent les cours d'écriture, d'arithmétique, de géographie, d'histoire de France, d'histoire sainte, de dessin linéaire, de musique vocale. Dans les derniers mois de l'année scolaire, on y donne des leçons d'arpentage et de lever des plans.

Le catéchisme est enseigné tous les jours aux élèves qui se préparent à la 1ère communion, d'une manière spéciale et approfondie. Messieurs les ecclésiastiques ont constamment rendu témoignage de la bonne tenue de l'instruction des élèves que leur envoie l'école.

Afin de pouvoir consacrer à l'étude de chaque objet, le soin nécessaire pour que les élèves y fassent des progrès satisfaisants, l'ordre des études pour chaque semaine est fixé de la manière suivante :

Indépendamment des leçons ci-dessus désignées les élèves font chaque jour en classe un devoir écrit de français ou d'arithmétique. Les parents sont invités à exiger de leurs enfants que les leçons soient régulièrement apprises et que les devoirs soient bien faits, avant de leur accorder une récréation qui ne doit être que la récompense du travail.

Des compositions écrites ou orales sont faites une fois par mois sur toutes les branches d'enseignement. On inscrit sur un registre spécial les noms des cinq premiers élèves dans chaque faculté ; l'addition de toutes ces notes avec celles des compositions générales qui ont une valeur triple des compositions particulières décident à la fin de l'année, la répartition des prix et des accessits.

Les élèves se réunissent le dimanche matin à 9h et demie à l'école pour la distribution des croix et des médailles et à dix heures ils sont conduits à la messe par des maîtres.

Le directeur admet des demi-pensionnaires et se charge de la surveillance de leurs exercices religieux ». 

 

 

 

Questions de discipline

 

Le 18 août 1845, dans un courrier au maire, il est question des punitions en vigueur à l'école. M. Leyder souhaite la création d'un poste pour un maître d'études, chargé de surveiller les élèves après la classe et voici la manière dont il justifie sa requête :

[...] « Comme il se trouve toujours quelques enfants indociles et paresseux, et que les règlements nous interdisent toute punition corporelle, nous n'avons à employer d'autres moyens coercitifs pour vaincre l'opiniâtreté des mauvais élèves, que la retenue après les classes. Or, pour que cette retenue soit efficace, elle doit être faite sous la surveillance d'un maître. Maintenant, vous conviendrez, Monsieur le Maire, qu'on ne saurait obliger un maître qui a parlé avec contention pendant six heures à rester deux ou trois heures avec les élèves punis [...]» 

 

 

 

Des nominations 

 

L'école normale de Rennes dispense de 1831 à 1849 une sérieuse formation pour les futurs enseignants de 5 départements de l'ouest mais leur intégration à Dinan n'est pas toujours idéale. 

 

Les maîtres-adjoints se sont succédé aux côtés de M. Leyder : M. Enjourbeaux est vite congédié par le directeur en 1841, M.Duval ne reste qu'un an de 1847 à 1848. M. Desmarais fait mieux l'affaire puisqu'il exerce de 1841 à 1846. 

 

Trop de maîtres  se succèdent trop rapidement et cela engendre une instabilité néfaste. L'Inspecteur des écoles s'en explique avec le Préfet dans une mise au point franche et ferme (29 avril 1847). Tout d'abord à propos de M. Jagot,  adjoint déplacé, une question de moralité est avancée :  

 « Ce maître a la manie de contracter des dettes ». 

 

Pour le reste, c'est M. Leyder qui est incriminé : « Disons le [...] Mr le Directeur de l'école mutuelle de Dinan n'a pas pour ses sous-maîtres les égards qui attachent. Il a expulsé bien des jeunes gens sous prétexte d'incapacité ou d'inaptitude. Ils se sont depuis noblement réhabilités, en devenant les meilleurs Instituteurs du département. M. le directeur n'a jamais gardé trois ans un sous-maître sans avoir plusieurs fois tenté son renvoi. »

 

Tout cela n'est pas faux car à de nombreuses reprises M. Leyder se plaindra aux autorités des personnels de son école. A sa décharge, on peut noter que les inspecteurs ne montrent pas toujours l'exemple quand par exemple le 25 septembre 1839, l'inspecteur des écoles propose à M. Leconte, maire de Dinan, la nomination de M. Brunot, élève maître sortant de l'école normale, avec des arguments pour le moins curieux :   

 

« A son talent extraordinaire  sous le rapport de l'écriture et du dessin linéaire, ce jeune homme joint une vertu douce et éprouvée. Votre école fait une excellente acquisition. Le seul avantage que M. Payart ait sur lui sont sa taille et son extérieur. » 

Le 5 décembre 1848, M. Leyder interpelle le Maire car malgré des effectifs très importants (40 à 50 élèves entre les deux adjoints),  « Il est question de m'enlever un de mes maîtres-adjoints pour le placer à l'école primaire du collège! »  s'offusque le directeur et il poursuit :  « Mais pourquoi jeter ainsi la perturbation dans l'école populaire, pourquoi l'annihiler au profit de l'école primaire supérieure annexée au collège ? Les enfants qui fréquentent notre école ne sont-ils pas de la  ville comme les autres ? Est-ce que les enfants des ouvriers ne vous inspirent pas la même sympathie que les enfants des riches propriétaires ? J'ai l'intime conviction que Monsieur le maire qui est un homme si charitable n'admet pas cette monstrueuse différence.»

 

 

 

 

Les professions des parents d'élèves

 

En 1850, nous avons la première liste des 177 élèves de l'école mutuelle avec l'adresse et surtout la profession des parents ( Il faut ajouter 26 élèves  « de la classe spéciale » tenue par la fille de M.Leyder, donc le total est de 203 élèves).

Voici les trois professions que nous trouvons les plus représentées :

Pompier (cité 18 fois), menuisier (cité 17 fois) et tisserand (cité 15 fois).

Viennent ensuite, par ordre alphabétique et entre parenthèses le nombre de fois où la profession est citée :

 aubergiste (1), avocat (1), avoué (1), batelier (2), boucher (2), boulanger (4),  cabaretier (3), cafetier (1), chapelier (2), charpentier (2), charron(1), cloutier (7), coiffeur (1), cordonnier (3), cultivateur (2), douanier (2), épicière (2), facteur (5), fileur (1), imprimeur (1), jardinier (6), journalier (7), laboureur (5), lampiste (1), libraire (1), limonadier (2), maréchal-ferrant (1), marin (2), meunier (1), plafonneur (2), professeur (1), propriétaire (1), receveur buraliste (1), revendeuse (2), sans profession (2), sellier (1), serrurier (6), tailleur (5), tanneur (4), traiteur (1), vannier (1), veuve (1), vitrier (1).

 

Liste 1850 avec la profession des parents.

 

En conclusion, les professions sont assez représentatives du petit peuple de Dinan et de ses environs proches. Il figure bien, ici et là, quelques noms de familles un peu plus connus à l'époque comme M. Hautière, imprimeur de la rue Haute voie et M. Bazouge, libraire rue de l'Horloge ainsi que de rares fonctions plus honorifiques (avocat, professeur, propriétaire). 

 

Peut-on considérer leur choix de mettre leurs enfants dans une école populaire comme un acte militant ? Ce n'est pas impossible car, dans leur grande majorité, l'origine des élèves est modeste et les gens plus aisés ont les moyens de mettre leurs enfants dans d'autres établissements. 

 

Pour l'école mutuelle de St Brieuc on se trouve dans un contexte assez semblable. 

En 1821, on a 58% d'artisans ou ouvriers, 17% de marchands, 13% de propriétaires, 7% de professions de justice, 6% d'anciens officiers, 5% de petits fonctionnaires, 4% autres, 3% de laboureurs, 3% de négociants, armateurs, 3% de professions libérales, 3% de fonctionnaires importants, 1% d'employés... Les milieux modestes ou pauvres représentent au moins les trois quarts de l'effectif. (6) 

 

 

 

Revendications salariales

 

A la fin de l'année 1850 (le 10 décembre), nouvelle revendication salariale avec des arguments très actuels  : « Je viens vous demander une augmentation de traitement que M. Sergent m'avait fait espérer, quand il me disait qu' il était partisan du système de diminuer le nombre des fonctionnaires de la ville et d'augmenter leur traitement... ». Le directeur précise que la suppression d'un maître-adjoint a entraîné pour lui un surcroît de travail, l'a obligé à renoncer à donner des cours particuliers et à supprimer la surveillance après la classe...

 

 

 

 

Les programmes

 

Les programmes des 4 classes de l'école sont détaillés avec précision en 1852.

 

Classe mutuelle de M. Nicolas :

Catéchisme du diocèse ; lecture avec épellation et prononciation, épellation de vive voix ; écriture cursive, grosse, moyenne et fine ; calcul, numération, addition, soustraction, tables de multiplication.

 

Classe simultanée de M. Leyder :

Catéchisme et histoire sainte, catéchisme du diocèse, ancien et nouveau testament ; lecture courante, sans monotonie ni déclamation ; écriture cursive, grosse, moyenne et expédiée ; calcul, multiplication, division et système métrique ; français, dictées pour exercer à l'orthographe, analyse grammaticale...

 

Ecole supérieure 1ère année de M. Veynard (dans le collège)

Histoire sainte et histoire ancienne : histoire sainte abrégée, quelques notions d'histoire ancienne ; géographie générale des 5 parties du monde ; dessin linéaire : dessin à main levée, puis à la règle et au compas... ; écriture cursive, grosse, moyenne et fine ; français, grammaire, morceaux choisis, exercices d'analyse et d'orthographe ; arithmétique, les 4 opérations fondamentales, le système métrique et les fractions ; chant, exercices théoriques et pratiques ; anglais, grammaire, prononciation et traduction.

 

Ecole supérieure 2ème  année de M. Chardon (dans le collège)

Histoire de France, résumé sur Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens et histoire contemporaine ; géographie de la France, de la Bretagne et des Côtes-du-Nord ; français, grammaire, synonymes et homonymes, résumés, compositions simples ; arithmétique, règle de trois, d'intérêt, d'escompte, application de l'arithmétique aux questions pratiques ; géométrie, évaluation des aires et de ses volumes, application sur le terrain ; dessin, esquisses d'objets connus, plan, élévation, coupe ; tenue des livres ; sciences physiques, notions élémentaires de physique et de chimie, histoire naturelle appliquée à l'agriculture, l'industrie et l'hygiène ; chant et 2 heures d'anglais, comme en 1ère année...

 

Pour l'école mutuelle les horaires sont les suivants :

Le matin de 8h à 9h : lecture, 9h à 9h45 : écriture, 9h45 à 10h15 : calcul ; 10h15 à 11h : catéchisme.

L'après-midi de 13h à 14h : lecture, 14h à 14h45 : écriture, 14h45 à 15h15 : calcul, 15h15 à 16h : catéchisme.

Sur un total de 30 heures par semaine, on a 10 h de lecture, 7h30 d'écriture, 7h30 de catéchisme 5h de calcul

 

Pour l'école simultanée les horaires sont les suivants :

Le matin de 8h à 9h : écriture, 9h à 10h30 : français ; 10h30 à 11h : catéchisme et histoire sainte.

L'après-midi de 13h à 14h30 : calcul, 14h30 à 15h30 : lecture, 15h30 à 16h : catéchisme et histoire sainte.

Sur un total de 30 heures par semaine, on a 5 h de lecture, 5 d'écriture, 5h de catéchisme, 7h30 de français, 7h30 de calcul.

 


 

 

Une classe en 1860

 

En 1860, on dispose d'une description complémentaire de l'école des garçons. Quelques renseignements sont fournis sur les bâtiments scolaires qui sont agrémentés d'un préau, d'une cour (19 ares) et d'un jardin (7ares). 

 

 

Le bâtiment qui a abrité l'école mutuelle de Dinan.

 

Photo aérienne. Ecole mutuelle 1

 

L'inventaire des mobiliers et archives de l'école publique de garçons de la commune de Dinan est très complet :

 

28 ardoises, 8 bancs, 3 bureaux, 2 cartes de géographie (en mauvais état), 2 chaises, 25 tables et bancs réunis (quelques tables en mauvais état datent de 1833), 8 croix, 3 crucifix, 100 encriers, 3 poêles, 40 tableaux de lecture, 3 tableaux noirs, 1 tableau de système métrique, 1 drapeau national,1 buste de l'Empereur  (remarque : de 1852 à 1870, c'est le Second Empire, il n'est donc pas étonnant de voir le buste de l'Empereur dans la classe.). 

 

On nous précise que la commune fournit aux indigents des livres de lecture, des catéchismes du diocèse, de l'encre et du papier.

Les fournitures scolaires viennent de l'imprimerie JB Huart à Dinan. Un état est dressé chaque mois. Par exemple, en septembre 1863 : 2 rames de papier, 11 encriers ; octobre : le vieux soldat, 12 ardoises, 1 paquet de crayons ardoise ; novembre : 1000 bulletins pour l'élève, une boite de craies ;  janvier 1864 : 13 catéchismes ; septembre : 37 litres d'encre, 2 méthodes Peigné, 40 modèles d'écriture, 48 porte-plumes etc.

 

 

 

 

Toujours des problèmes de locaux

 

Les demandes concernant les locaux se répètent pour l'école de Dinan. Pour preuve cette nouvelle lettre de M. Leyder le 12 juillet 1858 où il explique que l'école primaire publique a trop d'élèves suite au renvoi des enfants indigents de l'école des Frères. Les élèves de la classe mutuelle sont au nombre de 120 alors que la classe ne peut en accueillir convenablement que 90. Une partie de la salle de récréation a été convertie en classe et le groupe va être partagé en deux. 

 

Il faudra recruter un aspirant, devenu indispensable pour le maître. Mais il n'est pas facile de trouver du personnel qualifié. M. Leyder se plaint de la pénurie d'instituteurs dans le département. 

 

Dans cette période, les différents adjoints qui se sont succédé sont Julien Hervé (1853), M. Legros (1854), M. Perrot (1855) M. Vautier (1859).

Pour résoudre les problèmes de locaux, M. Leyder va jusqu'à faire au maire de Dinan de bien curieuses propositions (13 décembre 1861) : 

« Bien que M. le Recteur de l'Académie et M. l'Inspecteur des écoles aient reconnu qu'on ne pouvait établir des classes qu'au rez-de-chaussée de la maison que nous habitons, je consens à faire ma classe dans ma chambre au second, en vous faisant observer, Monsieur le Maire, qu'alors ma surveillance sur les autres classes sera difficile à exercer. »

Il en profite pour faire aussi la demande d'un troisième maître adjoint « attendu que les élèves vont être répartis dans quatre classes  exiguës... ». 

Des maîtres sont effectivement nommés à Dinan mais ils n'y restent parfois qu'une année comme M. Milon (1865) et M. Corniquet (1865), M.Marie-Ange Raffray (1866)

 

Quelques années plus tard, la situation a empiré. L'Inspecteur d'Académie écrit au maire le 12 janvier 1867 pour alerter les autorités municipales de la dégradation des conditions d'accueil des enfants : 

« La classe des petits tient dans une pièce antérieurement affectée à usage de cave, privée d'air et de jour. Sa contiguïté avec les lieux d'aisance concourt encore à son insalubrité. Si l'on ouvre la porte, la pièce est envahie par des odeurs dégoûtantes, si on ouvre la fenêtre qui se trouve sur la rue, les exercices sont troublés par le bruit.

La seconde classe est mal éclairée aussi et les murs en sont dégradés. Dans toutes, le mobilier est insuffisant et dans un état de délabrement que l'on est surpris de constater dans une localité aussi importante que Dinan. Il me parait nécessaire de déplacer immédiatement la petite classe. Peut-être pourrait-on l'établir dans la pièce affectée maintenant aux élèves les plus avancés, et disposer pour ceux-ci une des pièces du premier. [...] L'instituteur pourrait fort bien s'accommoder, pour un logement, du 2ème étage et, de plus, il conserverait une pièce au premier ».

 

 

La cérémonie de remise des prix 

 

 

1854. Une distribution de Prix


Le niveau de l'école mutuelle de Dinan est reconnu par les succès de certains élèves au concours cantonal. Ainsi en août 1866, lors d'une cérémonie réunissant toutes les autorités importantes, trois prix sur cinq sont attribués à des élèves de l'école dirigée par M. Leyder. Il s'agit de Célestin Ménage 1er prix, Jean Robert 3ème prix, Charles Botrel 5ème prix. On se doit de signaler que deux élèves ont pleinement profité du rôle émancipateur de l'école publique puisqu'ils figurent sur une liste des élèves indigents admis gratuitement. Le premier est fils de Jean Robert, tisserand et le second, fils de Joseph Botrel, journalier.

Le sous-préfet, dans son discours prononcé  à cette occasion, a d'ailleurs vanté les bienfaits de l'instruction « à une époque où le suffrage universel est la source des grands pouvoirs publics [...] Aujourd'hui que le gouvernement de l'Empereur, dans sa sollicitude pour la classe ouvrière, a multiplié les écoles de telle sorte qu'il en existe dans presque toutes les communes, et que l'instruction gratuite est donnée à tous les élèves indigents, il faut savoir lire et écrire [...]  La bonne instruction élève l'âme et la porte vers le bien, en lui donnant les connaissances pour éviter le mal. C'est donc un préjugé de croire que l'instruction peut nuire à la moralisation du peuple [...].

Enfin « S'adressant aux jeunes lauréats, il les a complimentés sur leurs succès en leur rappelant qu'ils le devaient à leur travail, et aussi aux bonnes leçons qu'ils ont reçues de leurs maîtres [...] » (7)

 

 

Ce fut un compliment certainement apprécié par M.Leyder qui termina cette année-là sa carrière dans l'enseignement public. Il aura marqué de son empreinte les débuts de l'histoire de l'enseignement primaire à Dinan. 

Quelques temps après, il relèvera le nouveau défi d'ouvrir une école privée de garçons. L'ouverture officielle est du 2 avril 1867. Les directeurs successifs de cette école seront après lui M. Pochon Jean né le 6 juin 1838 et M. Rozé Jean-Marie, frère Ferréol Joseph.

Il finira sa vie rue Néel à Dinan, et s'éteindra le 22 mai 1878. 

Quant au bâtiment, qui a abrité l'école mutuelle, il a reçu différentes destinations dans le cadre du collège (logements, infirmerie...). Il a été détruit en 2022 dans le cadre d'importants travaux de restructuration du collège.


Aspect du collège après la destruction du bâtiment en 2022

 

 

 

 

Document

Isidor(e) Leyder (1802-1878)

 

M. Leyder est né à Dinan le 13 septembre 1802 et se maria avec Emilie Françoise Mallard à Chateauneuf (35) le 15 février 1830. 

Il a été le premier directeur de l'école mutuelle de Dinan en 1833 (médaille de bronze de l'enseignement en 1839, désigné pendant de nombreuses années par les autorités comme le seul instituteur membre du comité de l'Instruction primaire de l'arrondissement de Dinan). 

Il fut le défenseur inlassable auprès de la municipalité d'un enseignement de qualité. Il restera directeur pendant 33 ans jusqu'en 1866, contribuant ainsi au développement et au rayonnement de l'enseignement primaire. 

C'est l'organisation de cette école qui servira de base à l'école communale des garçons de la ville. Le 22 mai 1878 il meurt, à son domicile rue Néel de la Vigne et est enterré au cimetière de Dinan.

 


 

 

La tombe de M. Leyder est facile à trouver dans le cimetière de Dinan. On la voit sur la photo ci-dessous au premier plan. Elle ne porte pas d'inscription, juste à l'entrée du cimetière.

 

Tombe d'Isidore Leyder. Photo RF

 

Notes

 

1. Chalopin Michel. L'enseignement mutuel en Bretagne de 1815 à 1850, p 51

2. Archives diocésaines de St Brieuc, paroisse de Dinan, lettre du 2 juillet 1817. Cité par M. Chalopin page 141

3. Chalopin Michel. L'enseignement mutuel en Bretagne de 1815 à 1850, page 107

4. Rapport du comité de surveillance de l'enseignement primaire, archives mairie, février 1835

5. Roger Faure, Histoire du collège 1969

6. Chiffres cités par M. Chalopin

7. Union malouine et dinannaise, 19 août 1866

 

 

Pour en savoir plus

 

Accès aux documents numérisés des archives municipales sur l'école mutuelle de Dinan, cliquer ici




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Ecole communale de Dinan 
(puis école mutuelle). 
Liste des enseignants par année d'arrivée jusqu'en 1866

 
Hamon Charles
Vers 1800 (décédé en 1831 à Dinan)

Baudet Pierre
certainement vers 1800 et avant (décédé le 05.12.1838 à Dinan)

Picard Antoine
1813-1832

Renaud François-Xavier
1813

Gauthier (ou Gautier)
1832

Leyder Isidore Pierre Louis
1833-1866

Barret
1835-1836, adjoint de M. Leyder

Baudet Pierre
1835-1855

Le Bastard (écrit aussi Le Batard)
1836 1837 1838 (juillet 1836) en remplacement de Barret

Payart
1838, 1839 1840 sous directeur, adjoint de Leyder.

Brunot
1839 septembre, remplace Payart

Desmarais
1841-1846 adj de Leyder

Enjourbeaux
1841

Lequellec
1842

Jagot
1845-1847 adjoint de Leyder

Chardon
1848

Duval
1847-1848 sous-maître école mutuelle
Even Charles
1849

Nicolas Rolland
1849-1859 départ pour Plancoët

Hervé Julien
1853 Adjoint de Leyder

Legros
1854 adjoint de Leyder

Perrot
1855 vers 1855 Adjoint de Leyder en même temps que M.Nicolas

Vautier
1859

Milon
1865 remplacé par Raffray

Corniquet
1865 remplacé par Yssaly

Yssaly
1865-1872





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1 commentaire:

  1. merci de partager ce documentaire extrêmement intéressant

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