La vie d'André Raoult a été celle de nombreux instituteurs de ce vingtième siècle et elle est passée assez inaperçue. Ce ne sera pas le cas de son fils, également prénommé André, né en 1909 à Loudéac, qui fera une brillante carrière en médecine. Sans parler de son petit-fils, le très célèbre et controversé professeur Didier Raoult bien connu à Marseille et dans le monde entier ! La surprise, c'est de découvrir que le grand-père de Didier Raoult avait déjà des aspects transgressifs...
Les débuts dans la carrière
André Raoult est né le 9 novembre 1880 au Moulin du Nivet à Plélauff dans les Côtes-du-Nord. Il est le premier d'une longue lignée de meunier à choisir de faire un autre métier. Il rentre à l’École Normale de Saint-Brieuc d’octobre 1896 à juillet 1899 et obtient son C.A.P en 1901.
Archives 22. Photo RF |
Son dossier militaire indique qu'il a des cheveux châtain, des yeux marron et qu'il mesure 1,60 m.
Ses premiers postes sont ceux de Merdrignac (1899), Rostrenen (1900). Il effectue son service militaire au 71°RI à Saint-Brieuc du 24 novembre 1901 au 18 septembre 1904 comme sergent fourrier. Il exerce après à Plounez (de 1904 à 1907). Ensuite sa carrière prend une tournure beaucoup plus originale car il est nommé le 9 septembre 1907 au Lycée français à Salonique, en Grèce, avec la Mission Laïque.
Courrier de M. Raoult, archives 22. juillet 1907 |
Il en revient en 1908 pour enseigner à l’école des garçons de Loudéac. Le 15 août 1908, il se marie à Paimpol avec Victorine Le Roux (née le 12 mai 1885 à Paimpol, décédée à Bégard le 12 mars 1974). Elle est passée par l’École normale de Saint-Brieuc et au moment du mariage, elle est institutrice à Lamballe. En 1909 va naitre leur unique fils, André.
Publication de mariage dans Ouest-Eclair. 5 août 1908 |
Archives 22. Mariage 1908. Photo RF |
Signature des deux mariés : A. Raoult, V. Le Roux |
Après Loudéac, André Raoult occupe un poste à la Méaugon en 1912.
Pendant la guerre 14-18
Archives 22. Recensement militaire. Photo RF |
André Raoult effectue d'abord trois années de service militaire à compter du 14 novembre 1901, "ayant perdu ses droits à la dispense par suite du décès de sa mère" (Dossier militaire). Entré comme soldat de première classe, il est nommé caporal en 1902 et sergent en 1903, avant d'être envoyé en congé le 18 septembre 1904.
Il ne va pas échapper à la Première guerre mondiale : il est mobilisé du 3 août 1914 au 24 mai 1919, avec le grade de sergent-major. Ses différentes affectations sont le 71e régiment d'infanterie (71e RI), le 1er groupe d'aviation (1er GA) à Dijon le 20 mars 1915. Il est évacué le 8 juillet 1915. Il rejoint ensuite le 3e groupe d'aviation (3e GA) à Bordeaux en 1916. En 1917, il est à l’école d’aviation de Châteauroux.
Fiche André Raoult, recto. Site Mémoire des Hommes |
Fiche André Raoult, verso. Site Mémoire des Hommes |
Il obtient un sursis pour rejoindre son poste d'instituteur à La Méaugon jusqu'au 31 juillet 1919 et il obtient une pension de guerre en 1919, souffrant de bronchite chronique et d'amaigrissement.
Après guerre, il reprend son métier d'instituteur à l'école de la Méaugon dont il devient directeur en 1927.
André Raoult à Dinan 1929-1937
Archives départementales 22. Photo RF |
M. Raoult, 21 juillet 1929. Archives 22. Photo RF |
André Raoult arrive à l'école des garçons de Dinan le 1er octobre 1929 et il occupe le poste de directeur de cette école à 7 classes, puis 8 classes, jusqu'au 1er octobre 1937, date à laquelle il prendra sa retraite.
M. Raoult arrive dans une école où M. Honoré Le Dû a pris sa retraite en juillet 1923, remplacé par Pierre Marion jusqu'en 1929. André Raoult aura dans son équipe Hyacinthe Merrien (1924-1940), Pierre Bellebon, Marie-Ange Tréguy, Constant Lecrubier (1931-1962), Adrien Roptin (1932-1959), Mathilde Clémens (1932), Jeanne Bourguignon (1934-1942)...
En septembre 1930, son épouse qui enseigne au collège le rejoint dans l'école où il exerce comme directeur...
Archives 22. Photo RF |
A. Raoult. Courrier 1930 Archives municipales de Dinan. Photo RF |
Les différents rapports d'inspection montrent une évolution certaine au fil des années. Dans un premier temps, il n'y a que des éloges comme lors de la visite de l’inspecteur le 4 novembre 1931 : "La préparation écrite est sérieusement faite, la discipline est satisfaisante". Les résultats au Certificat d'études primaires des élèves de la classe de M. Raoult sont notés : 10 succès sur 11 présentés. Pour l'examen des bourses 1ère série, 3 sur 3 et pour l'examen des bourses 2ème série, 2 sur 3.
Le 3 avril 1933, M. Raoult fait la classe alors à 32 élèves au Cours supérieur : « Tenue des registres irréprochable », « Préparation écrite sérieuse », « Emploi du temps suivi ».
L'inspection du 20 avril 1934 est très bonne aussi avec une note de 17 sur 20, accompagnée d'une lettre de l'inspecteur M. Le Lay : « Mes félicitations pour votre fructueux et intelligent travail en classe, aussi pour votre dévouement aux oeuvres scolaires.». La participation de l’instituteur aux œuvres complémentaires de l’école est signalée, elle se décline ainsi : trésorier de l’orphelinat de l’enseignement primaire pour la circonscription de Dinan, secrétaire de l’œuvre des pupilles de l’école publique pour les 2 cantons de Dinan, cours aux illettrés de la garnison.
Rapport d'inspection de M. Raoult, 22 avril 1934. Archives 22 |
On sait aussi que M. Raoult est nommé Officier d’Académie depuis 1928 (Ouest-Eclair 14 juillet 1928) ; conseiller syndical du SMEL (1920) et du Syndicat National (1928-1934) ; responsable de l’Autonome de solidarité en 1936.
Archives 22 Photo RF |
Mais tout n’est pas si parfait, ce qui est bien normal dans une longue carrière. Le 9 octobre 1931, l’inspecteur primaire avait informé l’inspecteur d’académie d’un comportement pour le moins curieux de M. Raoult : voulant trouver rapidement une solution face à l’absence de M. Brousse, adjoint à l’école primaire, M. Raoult avait fait assurer provisoirement le service par son fils, bachelier, étudiant en médecine. Cette procédure étant totalement irrégulière, l’inspecteur d'académie reste bienveillant mais ferme : « Je ne doute pas de sa louable intention, mais il ne lui appartient pas de désigner un suppléant, ce suppléant fût-il un suppléant bénévole et non rétribué… ». L'inspecteur termine son courrier en invitant l'inspecteur primaire de Dinan à faire un rappel au règlement à M. Raoult "avec toute la modération et le tact que commande sa situation douloureuse de famille, mais avec la fermeté nécessaire." L'inspecteur n'en dit sans en dire plus sur cette situation familiale qui sera peut-être une cause des soucis futurs de M. Raoult ?
Une photo de classe à l'école Honoré-le-Dû à l'époque de M. Raoult. 1934 |
L'horizon s'obscurcit
En janvier 1936, si l'inspecteur conserve une bonne impression de M. Raoult en tant qu'instituteur, il apporte de sérieuses réserves quant à ses capacités d'exercer en tant que directeur.
Archives 22 Photo RF |
Ainsi, deux années après une inspection favorable, l’inspecteur de la circonscription de Dinan le pousse littéralement vers la sortie lorsqu’il envoie un courrier confidentiel à l’Inspecteur d’académie le 18 février 1936 : «J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint le rapport d’inspection de M. Raoult… Je ne crois pas désirable de le communiquer à l’intéressé : il n’en tiendrait probablement aucun compte. Je crois d’ailleurs, dans l’intérêt bien compris de l’école elle-même, qu’il serait souhaitable que M. Raoult prenne sa retraite en fin d’année scolaire.» L’inspecteur dresse ensuite une liste de griefs graves sur des conduites personnelles, avant de revenir à un jugement sévère sur les questions professionnelles : « Négligence totale de son service de direction d’école, ni observation complète de tout ce que j’ai pu lui dire au sujet de son service. »
De son côté, le député-maire Michel Geistdoerfer lui conserve sa pleine confiance et lui rend hommage le 14 octobre 1937 dans son journal Le Républicain : "On sait que M. Raoult, le sympathique directeur de l'école communale de Dinan a été admis à faire valoir ses droits à la retraite..."
Retraite et descendance
André Raoult a passé sa retraite à Dinan où il est décédé en 1959.
Avis de décès André Raoult, 7 octobre 1959 Ouest-France |
Son fils est élève à l’École du service de santé de Dinan de 1931 à 1933.
Il entre en 1934 au Service de santé des troupes coloniales. Pendant la seconde guerre mondiale, il est actif dans les Forces françaises Combattantes au sein du réseau Mithridate (voir ci-dessous). Médecin
militaire, il est le fondateur de l'Organisme de recherches sur
l’alimentation et la nutrition africaines en 1953 ; il a eu six enfants
et il est décédé en 1978.
Fiche du Site Mémoire des Hommes. |
Incroyable mais vrai !
André Raoult est donc le grand-père du célèbre professeur Didier Raoult qui s'est particulièrement illustré pendant la crise du Covid-19. André Raoult a bien rencontré, de son vivant, son petit-fils à Dinan à plusieurs reprises car Didier est né en 1952 et André est décédé en 1959. La famille Raoult quand elle venait à Dinan avait ses habitudes quand il voyait son grand-père. Didier Raoult se souvient : "Nous allions souvent chez ses amies les demoiselles Olivier rue Beaumanoir pour les vacances".
Le professeur "Kloridrine" dessiné par J-C Balan dans "Les hurleurs de la nuit". |
Sources
Dossier personnel des instituteurs. 1T555 André Raoult
Correspondances avec Didier Raoult, novembre 2024
Archives départementales. Recensement militaire. Registre matricule 514, bureau de Saint-Brieuc, image 23 sur 724, ou sur la base Génarmor en cliquant ici
Archives départementales. Registre des mariages de Paimpol, année 1908, image 15.
Site Mémoire des Hommes, base des personnels de l'aéronautique militaire, cliquer ici
Site Généanet, fiche personnelle André Raoult, cliquer ici
André Raoult (fils), cliquer ici
Didier Raoult (petit-fils), fiche Généanet, cliquer ici
Didier Raoult, fiche Wikipédia, cliquer ici
Pour compléter cet article
L'histoire de l'école des garçons de Dinan, cliquer ici
Biographies des enseignants de l'école des garçons de Dinan (école Honoré-le-Dû) de 1866 à 1999, cliquer ici
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