mercredi 3 janvier 2024

Ecoles et pensionnats privés non religieux à Dinan de 1827 à 1930


Les pensionnats de garçons et les maîtres particuliers sont peu nombreux au début du XIXème  siècle car la concurrence entre les Frères et les maîtres de l'enseignement laïc leur laisse peu de place. En revanche, ceux de filles sont en vogue.


De nombreuses écoles et pensionnats privés non religieux vont donc s'ouvrir à Dinan.

C'est un aspect peu connu de l'histoire de l'enseignement à Dinan où l'initiative privée et non religieuse échappe au contrôle de l’État et de l’Église. 

Une autre particularité est celle de voir s'ouvrir des écoles destinées à des élèves venues d'autres pays.

Les écoles-pensionnats de Mme Desguez et des demoiselles Raffray. 1827-1851

 

Pension Desguez, Grande rue. Photo RF

Le pensionnat privé de Mme Desguez fonctionnait déjà en 1827-1828 au n° 4 de la Grande rue. Une affiche conservée aux archives municipales récapitule l'ensemble des prix décernés cette année-là aux demoiselles de cet établissement.

On y enseignait le français, l'écriture, l'arithmétique, la religion, l'anglais, l'histoire de France, ancienne et romaine, la mythologie, le dessin, la musique, la couture, la broderie, le repassage... Le travail, l'application et la docilité étaient des valeurs récompensées. 

 

Affiche 1828. Archives municipales

Dans l'annuaire dinannais de 1833, on peut lire : « Madame Desguez s'attache à former les jeunes personnes qui lui sont confiées au travail, à l'ordre, à l'économie, à leur faire acquérir les connaissances et les talents qu'il est indispensable d'avoir dans la société dont elles sont destinées à faire partie. Aussi, le jour de la distribution des prix, les parents reconnaissants se rendent en foule dans la grande salle de la Mairie ; c'est un jour de fête pour la ville entière dont presque toutes les familles comptent quelques enfants dans cet établissement. »

Les filles viennent de Dinan, Dol, Loudéac, Rennes, Lorient mais de bien plus loin aussi : Jersey, Guernesey, Londres, Bristol, Plymouth, Philadelphie, New-York, Nazareth, l'île Maurice. Ces enseignements s'adressent, on le voit, à des familles aisées. Autre particularité, 16 filles sont protestantes.   


Affiche 1828. Archives municipales


Mesdemoiselles Raffrayprennent la suite de ce pensionnat après 1841 puisque cette année-là elles tiennent un pension rue du Cognet, près de St Sauveur.

Plan cadastral 1841. Archives municipales
 

 

Immeuble de la pension Raffray. Rue du Coignet. Photo RF

Sophie Raffray est la directrice et Emilie et Clara Raffray ainsi que Marie Mallet sont les trois autres institutrices. Il faut mentionner qu'une demoiselle Raffray est mariée avec le principal du collège communal de l'époque M. Joubin.

Raffray 1841. Archives municipales

En 1848, elles en sont encore les responsables et ont 20 pensionnaires. En 1851, c'est Émilie Raffray qui a pris la direction, Grande Rue et l'équipe s'est étoffée avec trois jeunes institutrices : Eléonie Tourou 22 ans, Mélanie Joanolly 20 ans et Marie Tomsonn, anglaise de 23 ans. Fanny Morval, plus âgée (60 ans) est surveillante.

 

Raffray, Grande rue. 1851. Archives municipales

Voici quelques renseignements supplémentaires sur Claire Raffray : Claire Raffray tenait avec ses soeurs une pension rue du Coignet à Dinan. D'après le certificat de décès découvert aux archives municipales on sait qu'elle s'appelait Claire-Etienne-Marie Raffray (1800-1849) née à Saint Servan (35), institutrice.

Elle est décédée à l’âge de 49 ans à Dinan, le certificat de décès a été établi par Paul Larère (Médecin) et Luigi Odorici (conservateur du musée de Dinan) qui sont déclarés comme « amis » de la défunte. Elle était domiciliée Grande rue à Dinan.
Elle était la fille de Jean-Marie Raffray, ancien principal du collège de Saint-Servan et de Sophie Marie Samson.
 
 
Acte de décès Raffray. 1849. Etat civil de Dinan. Archives municipales



Les écoles-pensionnats de Dinan entre 1835 et 1896

En 1835, Mlles Leyder et Badouard possèdent également un pensionnat.

Des sources mentionnent aussi Mlle Butcher en 1838 comme directrice d'une pension rue du Cognet.

Mlle Droguet, quant à elle, exerce place du Champ pour les garçons et les filles avant de déménager en 1851 rue de la Lainerie (encore en 1855).

En 1846, une autre pension accueille 22 jeunes filles. Mlle Anna Berthier est la maîtresse de pension avec Clémentine Leclerc et Alexandrine Jacquelin comme institutrices.

En 1854, Pierre Dussauze, un jeune protestant, chassé de St Malo par les tracasseries administratives décide de s'établir comme "maître de pension". Il souhaite enseigner aux enfants de familles protestantes locales françaises et surtout britanniques. Mais, si  les adversaires du protestantisme toléraient les Anglicans, ils ne souhaitaient pas qu'une telle pension s'installe à Dinan et décidèrent de tout faire pour étouffer ce projet. 

Des journaux protestants publient, à l'automne 1854, un récit du Pierre Dussauze :

       « Le 22 de juin [1854], j’ai été, comme un vil criminel, appelé à comparaître devant le tribunal correctionnel de Dinan, pour avoir, en tout et partout, soulagé les malheureux qui se mouraient de misère (car il faut être en Bretagne pour se faire une juste idée de la pauvreté), parlé de l’Évangile et distribué, dans un certain nombre de familles, quelques-uns de nos traités religieux. 

Enfin, après quelques remontrances de la part du juge, j’ai été condamné à 400 fr. d’amende et aux frais. Je ne dois pas oublier de vous dire que onze témoins avaient été assignés à cette occasion, et dans ce nombre se trouvait une femme de mauvaise vie, probablement payée pour dire d’affreux mensonges et me faire condamner; car tout le monde s’accorde à dire que j’ai été jugé sur sa déposition. Elle a déclaré au président qu’elle ne m’avait jamais vu, mais qu’elle avait ouï dire que j’avais dit que « tant qu’il y aurait des soutanes, les gens seraient malheureux... ». 


En 1855, Mesdemoiselles Noblet sont Place des Cordeliers et Mlle Berthier a déménagé rue du Cognet. En 1856, Mlle Berthier scolarise dans sa pension dix sept jeunes anglaises, une créole, une autrichienne et neuf françaises.

Pension Berthier 1856. Liste d'élèves étrangères. Archives municipales

 

En 1866, les demoiselles Peffault de Latour dirigent un établissement privé de 4 classes (1ère classe : Pauline Thomas, 2ème classe : Marie Cabaret, 3ème classe : Maria Howes, 4ème classe : Marie Piquet). Les élèves sont récompensées comme le veut la tradition lors de la distribution des prix. Plusieurs membres de l'administration et du clergé assistent à cette fête au cours de laquelle Mlle Latour prononce un discours sur l'Ordre, « aussi sagement pensé qu'élégamment écrit » nous dit la presse de l'époque.

En 1867 (et au moins jusqu'en 1876), Mlle Gallet dirige un externat de filles où sont scolarisées de jeunes élèves françaises (Alsaciennes), Suisses (la famille Taffatz) et anglaises, la colonie britannique étant d'importance à l'époque. On note par exemple lors des distributions des prix les noms de Constance Dickinson, Grace Curtis, Ethel Roberts, Donah Bouton, Lizie Lodwell, Harriet Curtis etc. 

Maximilienne Angèle de l'Aubespine a dirigé un pensionnat privé à Rambouillet de 1873 à 1878. 

On sait que Maximilienne-Jeanne-Angèle-Philippe de l'Aubespine est née à Madrid en Espagne le 10 mars 1825. Elle est la fille de Marie-Joseph-Alphonse et de Antoinette-Marie des Anges Gomez de Velasco, domiciliée à Paris au 14 rue Jacquemont. Elle est décédée, sans s'être mariée et sans descendance, à Dreux le 31 octobre 1895.

Arrivée à Dinan, elle ouvre en août 1887 un modeste cours d'enseignement primaire libre, en externat seulement, avec 9 élèves, au rez-de-chaussée du 26 Place Duguesclin. Elle transfère ses activités un peu plus tard rue Chateaubriand dans un local appartenant à M. de Marsan, sans cour de récréation. La demande est acceptée par les autorités car le cours n'est fréquenté que par une quinzaine de jeunes filles.

 

Courrier 1888. Archives municipales
 

 1887. Archives municipales
     

L’école de Miss Brown

1887. Archives municipales

On découvre des informations inédites sur l’école de Miss Brown dans le passionnant article écrit par Diane Monier-Moore et publié dans Le Pays de Dinan 2015 et dans celui de 2016.
 
Il s’agit du journal de Cosme de Satgé écrit entre 1869 et 1890. L’article dans son ensemble nous fournit de précieux renseignements sur la vie à Dinan à cette époque. Voici quelques extraits du journal de ce Franco-Britannique qui vécut dans la communauté anglophone de Dinan de 1873 à 1898.

20 juillet 1883, c’est le jour de la distribution des Prix  à l’école de Miss Brown (Fanny Brown).
Mlle Suzanne Egly (née en 1853) est institutrice, Miss Hay et Mr. Guglielmo (musique) font partie de l’équipe d’encadrement.

21 janvier 1887, l’inspecteur des écoles primaires est venu voir la pension de Miss Brown, il souhaite qu’elle se conforme aux nouvelles lois sur l’organisation de l’instruction primaire.

15 décembre 1888, l’école de Miss Brown est appelée officiellement Ker Even. La suite de cette histoire est à retrouver avec l'article sur la création du Collège de Jeunes Filles de Dinan appelé plus tard le Collège Broussais.
 
Ker-Even

 
5 juin 1889, dans la petite classe de l’école de Miss Brown, on trouve 5 ou 6 enfants, garçons et filles, Anglais et Français (dont René de Satgé). Les cours se déroulent de 11h à midi…

13 avril 1890, Miss Brown vient voir Cosme de Satgé pour le renouvellement du bail  de Ker Even
On apprend aussi que Victor Vénard (directeur à l'école des garçons) donnait des cours particuliers à Yvonne de Satgé (il était en retraite depuis 1885). Victor Vénard était né en 1827 à Saint Brieuc. Il était lithographe et instituteur. Il a épousé Jane Lindé (née en 1826) dont les origines étaient de Jersey et d’Allemagne. Elle était organiste.
 
 
 Une école privée laïque vers 1930 

1929. Photo François Aubry


Une école privée laïque se tenait rue Haute Voie, au rez-de-chaussée de l’Hôtel Beaumanoir,  autour des années 1930. Une classe était sur le devant à gauche de la porte d’entrée et la deuxième à l’arrière du bâtiment. Sur cette photo de 1929, transmise par M. François Aubry, on voit le groupe d’élèves dans leur costume du dimanche et les deux enseignantes : à gauche, Mlle Desmiers (chargée des plus âgées, Certificat et jusqu’au brevet) et à droite, Mlle Morin (chargée de la maternelle et du Cours préparatoire). C’est Mlle Morin qui a enseigné la lecture à François Aubry (devenu plus tard une grande figure de la vie culturelle à Dinan).
 
Le recrutement se faisait dans les couches aisées de la population de Dinan et des alentours car l’école était payante. La famille Bourblanc avait un château à Ploubalay (La Ravillais) et la famille Dorange allait en été dans son château de Guitté (Le château de Couellan à Guitté était devenu la propriété de M. Dorange en 1936). Ces familles avaient un logement en ville à Dinan pour l’hiver. Monsieur Chivré (père de l'élève Geoffroy) était officier. 
En inscrivant leurs enfants dans ce cours privé, les parents pouvaient éviter à leur progéniture de se retrouver dans de grosses structures. François Aubry se souvient que quand il est parti l’année avant de rentrer au collège, d’autres élèves ont aussi quitté l’établissement qui s’est alors déplacé à l’entrée du Jardin anglais dans un local plus petit.
 
 
Au 1er rang de gauche à droite : Mlle Desmiers, Jean Richard, François Aubry, René Trayer, Bertrand du Bourblanc, Geoffroy de Chivré, Louis Chupin, Amorie de Bourblanc.
Au 2ème rang : les deux plus petites sont les deux sœurs Aubry (Anne et Yvonne), une autre fille de cette rangée pourrait être Marguerite-Marie Dorange (née en 1916)
Au 3ème rang : Suzanne Trayer (avec un nœud dans les cheveux), Françoise de Chivré, Dubourblanc.
Une autre fille figure certainement sans que l'on puisse encore l'identifier. Il s'agit de Béatrice de Kersaintgilly.


Compléments à cet article
 
Lien pour voir la photo de 1930 en plus grand, cliquer ici
Pierre Dussauze et l'implantation des protestants à Dinan, cliquer ici 
La suite du cours de Fanny Brown est à retrouver dans l'article sur l'école annexée au collège Broussais.



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Sources

Archives municipales de Dinan
Presse locale consultée à la Bibliothèque de Dinan
Merci à François Aubry pour son témoignage et cette photo de la pension de 1929
La famille Dorange a de son côté contribué à retrouver plusieurs noms d'élèves présents sur la photo de classe de 1929.
 
François Aubry. Photo Ouest-France


Site Généanet, fiche sur Maximilienne de l'Aubespine, cliquer ici 
 


Si vous avez des éléments pour compléter cet article  (photos, témoignages...) merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite...
 

La pension de Mlle de l'Aubespine place Duguesclin


 
Les responsables de pensions privées à Dinan, date de création, lieux.


Desguez Mme
1827
4 grand'rue
Raffray Sophie puis Raffray Emilie en 1851
1841
4 grand'rue
Raffray
Avant 1841
Rue du Coignet
Mlle Butcher
1838
Rue du Coignet
Mlle Droguet
1838
place du Champ
Mlle Droguet
1851
rue de la Lainerie
Mlle Leyder
1835

Mlles Badouard
1835

Mlle Anna Berthier
1846

Mlles Noblet
1855
place des Cordeliers
Mlle Anna Berthier
1855
Rue du Coignet
Mme Rault-Maisonneuve

Succède à Mlle Berthier
Mlles Peffault de Latour
1866

Mlle Gallet
1867

Mlle Fanny Brown (ou Miss Brown) avec Mlle Suzanne Egly, institutrice. Miss Shewell jusqu'en décembre 1895. 
Miss Mac Callum prend la direction en 1897 
1882




1897
Ker Even (en 1888), rue Broussais.
Mlle Musciani
1882

Maximilienne Angèle de l’Aubespine
1887
26 Place Duguesclin
Maximilienne Angèle de l’Aubespine
Après 1887
rue Chateaubriand




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