dimanche 20 juillet 2025

François Cario (1888-1954), directeur d’école à Dinan 1937-1944

François Ange Marie Cario est né le 20 juillet 1888 à Binic. Son père est instituteur et sa mère ménagère.

Il effectue sa scolarité à Binic puis devient est élève à l'école Normale 1904 à 1907. Il obtient le Brevet élémentaire le 1er juillet 1903 et le Brevet supérieur le 11 juillet 1907. Il obtiendra son C.A.P le 7 janvier 1910 dans sa classe à Plédran.
Ses différents postes occupés sont : Sévignac, comme stagiaire à partir du 14 octobre 1907, Plédran, comme stagiaire à partir du 14 septembre 1908 (puis interruption pour le service militaire), Collinée en tant que titulaire adjoint à partir du 1er octobre 1911, Plufur à partir du 16 septembre 1912, Lantic à partir du 1er décembre 1913, La Harmoye à partir du 1er octobre 1921et Langueux, en tant que directeur dès le 1er octobre 1934.


Vie familiale 

François Cario se marie à Saint-Juvat le 4 août 1912 avec Marie Surel, institutrice alors en poste à Saint-Juvat. Dans l'assistance on a aussi d'autres enseignants : le père de François Cario, instituteur et Emma Surel, sa belle-soeur citée comme témoin, institutrice à Saint-Juvat.
Le couple aura deux filles, Madeleine (Brissaud-Desmaillet), née le 13 juin 1916 (décédée en 1990) et Monique Cario, née le 19 mai 1927. Son épouse est décédée le 7 octobre 1950 à Rennes. François Cario s'est remarié le 17 juin 1954 à Essey-Lès-Nancy en Meurthe-et-Moselle avec Elisabeth Perisse, une institutrice. François Cario est décédé en 1973 à Blâmont en Meurthe-et-Moselle à l'âge de 85 ans.

Parcours militaire

Recrutement militaire AD22
Le matricule militaire de recrutement de François Cario est le 326. Il est appelé en 1908 comme tous les jeunes garçons de sa génération nés en 1888. Il est incorporé à la 22e section le 7 octobre 1909, nommé Caporal le 1er octobre 1909 et Sergent le 9 avril 1910. Il retrouve son activité professionnelle dans le civil à partir du 24 septembre 1911. Au moment de la Guerre 14-18 il est appelé le 3 août 1914 mais sera réformé le 13 novembre de la même année pour "bronchite chronique".

Parcours militaire. AD22

Nomination à Dinan, 1937
François Cario arrive à Dinan en octobre 1937 et remplace dans ses fonctions l'ancien directeur M. André Raoult. Il restera jusqu'en septembre 1944 où il partira en retraite.


Un dossier exceptionnel
Le dossier personnel de M. Cario, disponible aux archives départementales, est assez exceptionnel dans le sens où il permet de découvrir les rapports humains dans une école au moment de la période de l’Occupation. Il n’est pas directement question de pédagogie mais de relations entre un directeur et ses adjoints, ou l’administration. Le sujet n’est pas de faire le procès d’une personne mais de voir comment vont se résoudre les conflits qui naissent souvent autour des prises de positions des uns et des autres.  

Les conflits avec l’Inspecteur
Les relations ne sont pas au beau fixe entre M. Cario et l'Inspecteur à propos de ce qui se passe dans son école ou par rapport à la situation de son épouse, institutrice à l’école de La Garaye. C'est ce que confirme un courrier de M. Cario, daté du 30 septembre 1939 et adressé au Ministre de l’Éducation Nationale. M. Cario en appelle au Ministre pour que sa femme puisse obtenir son changement pour l'école des garçons, ce qui n'est pas possible d'après lui à cause de "l'arbitraire de M. l'Inspecteur primaire de Dinan", accusant aussi en passant l'Inspecteur de ne pas être neutre puisque sa femme travaille à l'école des garçons à titre provisoire... 

Le 1er septembre 1940 Mme Cario finit par obtenir son changement pour l’école des garçons où son mari est directeur. Elle doit ce changement à l’intervention  d’une relation au ministère de l’éducation nationale. Un courrier daté du 6 octobre 1939, à Paris, s’adresse à l’Inspecteur pour permettre la permutation entre Mme Cado, récemment réintégrée qui pourrait aller à La Garaye, et Mme Cario, pour l’amener dans l’école dirigée par son mari. « Le Ministre et le Directeur feraient ainsi plaisir à un ami commun, général et géographe »… D'après différents documents contenus dans son dossier personnel aux Archives départementales, on sait que M. Cario agira de même pour faire avancer certains dossiers en faisant jouer de ses relations, dont l’amiral Darlan ou le général Brissault-Desmaillé, conférencier du Maréchal Pétain, beau-père de sa fille...
Dans l’année scolaire 1939-1940, un conflit oppose M. Cario avec plusieurs enseignants de son école, au sujet de l’organisation interne de l’école (horaire des récréations, absences à des réunions, propreté des classes…). Les problèmes semblent anodins au départ mais la situation s'envenime dans un contexte politique où tout est exacerbé. Le cahier de délibérations du conseil des maîtres (photo ci-dessus) va être épluché par l’inspecteur qui l’annote scrupuleusement et prodigue des conseils pour que les conflits s’aplanissent dans un esprit de dialogue constructif. L’inspecteur souhaite la recherche de consensus, de solutions plus collectives, s’opposant aux méthodes tranchantes comme ce blâme donné par le directeur à un adjoint. On pourra remarquer à la lecture de ce document que M. Cario annote à son tour en rouge les remarques faites par l’inspecteur. C’est un véritable combat d’écritures ! Il ajoute aussi un droit de réponse dans ce cahier, s’interrogeant sur les critiques de l’inspecteur ne portant que sur son rôle de directeur et ne remettant jamais en cause les adjoints : « Pourquoi M. l’Inspecteur semblez-vous donner toujours raison aux quelques adjoints dissidents de cette école ? … Pour secrétaire du dernier conseil des maîtres, vous avez désigné M. Lecrubier, un maître d’une moralité plus que douteuse, d’une insubordination incroyable». Un autre maître est taxé de « paresseux », la femme de l’inspecteur est aussi mise en cause par un rappel d’une lettre anonyme à son encontre, lettre dont l’inspecteur soupçonne M. Cario d’en être l’auteur, ce dernier se réservant la possibilité de porter plainte en diffamation « si de pareilles insinuations persistaient » ! Le directeur encore à propos de la femme de l’inspecteur : « Je demande son départ. » Et : « Je veux réparation pour outrages dans l’exercice de mes fonctions, pour affronts subis. »  (M. Cario obtiendra satisfaction avec le départ de Mme Bourguignon en 1941)...

Autre conflit : le 30 juin 1941 l’inspecteur primaire écrit à son supérieur, l’Inspecteur d’académie, pour l’informer du désordre causé par des élèves dans la cour au moment de la proclamation des résultats du Certificat d’études à l’école des garçons de Dinan. M. Cario, seul absent parmi tous les directeurs et directrices d’écoles porte la responsabilité de ce désordre d’après l’inspecteur qui s’est trouvé obligé de prononcer les résultats dans une salle : « S’il eut été présent en son école, le vacarme dans la cour n’eut pas eu lieu, il aurait pu y assurer la discipline». L’inspecteur rapporte des propos de M. Cario tendant à dire que les résultats n’ayant pas été proclamés dans la cour, il y a eu irrégularité. L’absence du directeur pourrait être la conséquence de l’échec de 11 garçons sur 15 présentés à l’examen par M. Cario alors que toutes les filles présentées des deux écoles publiques sont reçues ! Mais l’inspecteur n’en fait pas une excuse : « Que M. Cario ne s’en prenne qu’à lui même. Déjà l’année dernière pareille mésaventure lui arriva. C’est un maître qui ne manque pas d’intelligence, mais qui perd son temps, et celui de ses élèves, à sortir en ville, aux heures de classe, pour des motifs sans urgence, qui rédige constamment des circulaires à l’usage de ses adjoints qu’il tracasse sans cesse. Je ne suis pas surpris de sa déconvenue et je ne le serais pas plus si le dépit l’amenait à une nouvelle démarche malveillante… Si cette fois il devait récidiver, je vous demanderais une enquête approfondie sur cet instituteur. Vous savez que tout dernièrement il a provoqué des difficultés au Docteur Benoist, médecin inspecteur, et, peu avant, à un vieil instituteur de son école, M. Huet, en l’accusant bien à tort, auprès de M. Le Préfet…» N’oublions pas que ces écrits ne montrent qu’un point de vue et que M. Cario y répondrait certainement avec ses propres arguments, comme il l’avait fait en 1940 dans le cahier de réunion des maîtres et comme il le fera devant la police en 1944 face aux accusations de ses collègues…

Les conflits avec les collègues, règlements de compte en 1944
A la fin de la guerre, le 11 août 1944, plusieurs collègues de M. Cario vont rédiger une lettre pour dénoncer ses agissements. M. Lecrubier reproche en particulier d’avoir été déplacé à Langrolay en raison des idées en faveur des forces alliées, sur la demande de M. Cario. M. Cario va être entendu par le Commissaire de police de Dinan le 21 août 1944. Lors de cette comparution, M. Cario nie tous les faits qui lui sont reprochés. Il assure avoir toujours agi pour le bien de l’école et de ses collègues. Dans l’affaire concernant M. Lecrubier  il assume :  "J’ai demandé son déplacement avec avancement, uniquement pour son inconduite notoire chez Mme Pourcel et son attitude vis à vis du service intérieur […] La situation n’était plus tenable, m’ayant  traité de sinistre individu devant ma femme et ayant cisaillé des fils électriques de ma cave sans m’en avertir […] J’ai demandé à l’administration que l’éponge fût passée sur tous les faits énoncés et qu’il soit réintégré dans sa classe en raison de sa santé et de sa situation de famille environ deux mois plus tard. »

Si l'on se réfère à la lettre du 6 juillet 1941, où le directeur avait adressé un courrier de plusieurs pages au ministre de l’Éducation nationale à Vichy révélant des aspects personnels de la vie de M. Lecrubier, de nombreux points le mettaient gravement en cause et n'avait strictement aucun rapport avec son activité professionnelle... D'autres faits reprochés concernaient une grève de fonctionnaires en 1939  : "M. Lecrubier, aux tendances politiques d'avant-garde notoires, est partisan de la grève. Je m'oppose énergiquement à ce mouvement dans l'école", écrit le directeur. L'attitude de M. Lecrubier, à propos d'un rapport d'accident qu'il n'aurait pas voulu rédiger, est dénoncée par le directeur avec l'appréciation suivante : "Cette licence, ce laisser-aller d'avant guerre ne devraient-ils pas disparaitre?" Enfin M. Lecrubier est qualifié de "jeune maître frondeur, prétentieux" et doté d'une "mentalité pernicieuse"... La demande au Ministre de la mutation de cet instituteur dans une école de campagne aurait, d'après lui, un effet bénéfique : "L'exemple donné serait salutaire" et lui permettrait "de se former une meilleure compréhension (il ne manque pas d'intelligence) de tous ses devoirs professionnels et des obligations que lui imposerait le souci de la dignité de sa mission éducatrice, rachetant ainsi ses écarts passés"...

On peut noter que le retour de M. Lecrubier sera accompagné d’une note de M. Cario sur le cahier du conseil des maîtres : "Je désire que les effets de cette sanction ne se prolongent pas davantage… M. Cario s’engage à faire désormais tout son devoir". Cet "engagement" veut-il dire qu'il y a eu un accord passé entre le directeur et son adjoint ? Au moins peut-on penser qu'il y a eu une discussion et que l'adjoint n'était pas en position de force...

Les derniers documents du dossier de François Cario concernent uniquement la collecte des pièces nécessaires à son droit à sa mise en retraite qui est advenue en 1944... 

Si vous avez des réactions ou des éléments pour compléter cet article sur François Cario (photos, témoignages...) merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite, en laissant votre adresse mail pour que je puisse vous répondre...
 

Sources

État civil de Binic, naissance, cliquer ici

État civil de Saint-Juvat, Mariage 1912, acte 8 sur 14, cliquer ici

Site Généanet, généalogie de François Cario, cliquer ici

Dossier personnel de François Cario, archives départementales,1T497

Recensement militaire 1908, archives départementales en ligne, cliquer ici

Article sur Marie Cario dans ce blog, cliquer ici 

Article sur Joseph Huet dans ce blog, cliquer ici

Biographie des enseignants de l'école Honoré-le-Dû, à retrouver sur ce blog en cliquant ici

 

Retour vers le sommaire en cliquant ici

DOCUMENTS

Tous les documents ci-dessous proviennent du dossier personnel de M Cario aux Archives départementales, dossier 1T497.

1941 Courrier de l'inspecteur d'académie au Préfet. AD22
 
AD22

Pétition des enseignants, extraits, 1944. AD22

Pétition des enseignants. 1944. AD22

Complément sur la pétition des enseignants. AD22

Défense de M. Cario. AD22

Défense de M. Cario AD22

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