vendredi 9 juin 2023

Pierre-André Quélen (1922-2002), un instituteur de Dinan dans la Résistance


Pierre-André Quélen. Photo Ouest-France

 
 
Une jeunesse à Saint-Quay-Portrieux
Pierre André Quélen est né le 26 juin 1922 à Saint-Quay-Portrieux. Il suit le Cours complémentaire à St Quay puis entre à l'Ecole Normale d'Instituteurs à Saint-Brieuc en octobre 1938 et y reste jusqu'en 1941. 
 
 
Débuts dans la Résistance
En octobre 1941 il est nommé à Paimpol. C'est là qu'il fait ses premières armes dans la Résistance.
En 1942, il refuse d'aller en Allemagne dans le cadre du Service du Travail Obligatoire (STO) et il entre en résistance à Saint-Quay-Portrieux.  Il monte petit à petit en grade dans l'organisation de la Résistance et se voit confier des missions importantes. Ensuite, à Paris, il rejoint le réseau Combat.
 
 
Arrestation, déportation
Il finit par être arrêté par la Gestapo sur dénonciation le 6 avril 1944 et il est interné à Fresnes puis au camp de Compiègne avant d'être transféré au camp de concentration de Neuengamme le 4 juin 1944. On le déplace au Kommando de Falkensee qui dépend du camp de Sachenshausen.
Heureusement il survit à l'enfer des camps et il est rapatrié le 4 juin 1945. Il retourne alors à Saint-Quay-Portrieux auprès des siens. 
 
Ci-dessous, liste des prisonniers politiques du camp de Sachsenhausen (base de données Arolsen. Allemagne).


 
Ci-dessous, livre du bloc 1 du camp de Sachsenhausen, commando Falkensee (base de données Arolsen. Allemagne).
 

 

 
Le retour dans l'enseignement
Il ne reprend pas de classe en septembre 1945 et après une année de convalescence, il retrouve une classe de septembre 1946 à septembre 1948 à Plouisy. Puis il est nommé à Goudelin. Mais en 1952, il est rattrapé par une maladie pulmonaire contractée dans les camps et doit partir dans un sanatorium pour un congé de longue durée.
Il ne retrouve sa classe à Goudelin qu'en mars 1954.


La vie à Dinan
Pierre André Quélen est nommé à l'école Honoré-le-Dû le 15 octobre 1959 avant de devenir Conseiller pédagogique sur Dinan en 1961. Il prend sa retraite en 1977. 
Comme conseiller pédagogique, M. Quélen était très apprécié et il était l'organisateur de nombreuses manifestations dans l'enseignement public. Citons par exemple des initiatives culturelles venant s'inscrire dans le cadre des Fêtes de la jeunesse. Ainsi en juin 1970, M. Quélen était à la manoeuvre pour un concours de diction et un grand concours de dessin (avec son ami Franck Le Meur)

Le concours de diction à l'école H-le-Dû. 13 juin 1970. Ouest-France

L'homme de culture

Pierre-André Quélen était très impliqué dans la vie associative et c'est à lui que l'on doit la création  de la troupe théâtrale « La jeune compagnie », bien connue sur le pays de Dinan et au-delà...

Le 16 mars 1971 dans Ouest-France avec Jean-Pierre Le Maitre sur la scène.

En mars 1972, la Jeune Compagnie prépare son dix-huitième spectacle sous la conduite de M. Quélen et de M. Carré, assistés de deux autres pédagogues du collège Roger Vercel, M. Vallée et M. Jouan. Le texte choisi est Faust le Magicien, une pièce de Jean Varlot.
Dans les jeunes acteurs sur la photo, on trouve : Patrick Villalon, le diable ; Michel Le Maitre, Faust (assis à gauche); Chantal Le Floch et Annick Colas (tout à fait à droite), femme et fille du diable ; Pascale Zuntel, la servante ; Marylène Collet, la cuisinière et Jean-Michel Pasdelou, le hallebardier. Pierre-André Quélen est au pied de la scène.

La jeune compagnie de Dinan. 16 mars 1972 Ouest-France

La jeune compagnie de Dinan. 16 mars 1972 Ouest-France


Notons aussi qu'en 1965, La jeune compagnie avait joué des extraits de l'adaptation du journal d'Anne Franck (par Georges Neveux) dans le cadre d'une grande manifestation pour le 20e anniversaire de la libération des Camps. Les organisateurs de cette manifestation n'étaient autres que Pierre-André Quélen et Yves Briand (secrétaire de l'association des Déportés et Résistants) et M. Loguillard, directeur du C.E.G.
 
 

D'autres articles sur l'histoire de La jeune compagnie, avec des photos, sont à retrouver en cliquant ici




Pierre André Quélen, syndicaliste et homme politique

On trouve  un portrait complet de Pierre-André Quélen sur site internet Le Maitron, où y sont développés plus particulièrement ses engagements syndicaux et politiques au sein du Parti Communiste à Dinan dont il fut secrétaire de section de 1960 à 1971.

Alain Prigent et Gilles Rivière qui ont rédigé ce portrait ont travaillé à partir de nombreuses sources historiques comme les archives de la FSU 22, le fichier des membres importants de la Fédération des Côtes d’Armor du PCF, les archives de la section du PCF de Dinan.

Pierre-André Quélen a aussi beaucoup milité à l'échelon local et départemental dans les associations de résistants (ANACR) et de déportés (FNDIRP), au Syndicat National des Instituteurs, aux œuvres laïques. 

Enfin, mentionnons sa participation active à trois élections municipales à Dinan, sur des listes de gauche, en 1965, 1971 et 1977.

Élections municipales Dinan 1965. Ouest-France

 


Le temps des hommages

Le destin exceptionnel, la personnalité et les différents engagements de Pierre-André Quélen ne laissaient pas insensibles. Il a été de nombreuses fois honoré par différentes institutions et a reçu des distinctions bien méritées.    

Il a été décoré de la médaille de la Résistance et était officier de la Légion d'honneur et des Palmes académiques.


Pierre-André Quélen 3 janvier 1961. Ouest-france

L'article de Ouest-France dans son édition du 20 février 1961, au moment de la remise de la Légion d'Honneur, est particulièrement émouvant. Vous pouvez retrouver l'intégralité de ce compte-rendu en bas de cette page.

Au moment de son décès le 7 août 2002, alors qu'il avait atteint les 80 ans, le journal Ouest-France  a publié un très bel article sur son parcours dans l'édition du 13 août 2002. En conclusion, on pouvait lire :

Ses amis se rappellent de Pierre Quélen comme d'un homme cultivé, discret, disponible et pourvu d'un grand sens de l'humour. 

13 août 2002 Ouest-France
 
 

Un témoignage

Annie Lambert nous livre ce témoignage sur ses amis Suzanne et Pierre-André : "J'ai connu et beaucoup apprécié Pierre-André Quélen et son épouse Suzanne (Sarah Assël). Ils se sont rencontrés à la Libération, à Paris à l'Hôtel Lutétia qui accueillait toutes les personnes qui rentraient des camps et celles qui cherchaient des informations sur leurs proches, disparus. 

Pierre-André rentrait de déportation et Suzanne attendait le retour de ses parents. Déportés à Auschwitz, ils ne revinrent jamais. 

Ayant travaillé sur cette période, c'est chez moi qu'ils trouvèrent, dans le Mémorial publié par Serge Klarsfeld, la date et le numéro de convoi de déportation des parents de Suzanne. Moment d'intense émotion. 

Quand ils quittèrent Tréfumel pour Dinan, Pierre-André me confia des documents pédagogiques sur cette période. Je m'en suis servie dans mes classes et vais les ressortir pour les expliquer à mes petites filles... Ils furent des passeurs de Mémoire et des militants convaincus et des amis pleins de vie et d'humour".


Sources 
 
Ouest-France 20 février 1961, remise de la Légion d'Honneur (officier) ; 13 août 2002.

Fondation pour la mémoire de la déportation. Transport de Compiègne à Neuengamme, cliquer ici  
 
Base de données Arolsen (Camps en Allemagne), fiches Quélen, cliquer ici  et ici
 
Article rédigé par Alain Prigent et Gilles Rivière, sur le site Le Maitron, cliquer ici 
 
Correspondance avec Annie Lambert après un forum lancé sur l'histoire de P.A Quélen dans le groupe Facebook "Le Pays de Dinan d'autrefois" en mars 2022

 

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A suivre

Hyacinthe Merrien (1885-1966), un instituteur de Dinan dans la Résistance, ici

Yves Briand (1922-2013), un instituteur de Dinan dans la Résistance, ici

Liste des instituteurs engagés aux élections municipales à Dinan 1945-1995, cliquer ici

 

Pierre-André Quélen 1961. Photo Ouest-France

  

Édition de Ouest-France du 20 février 1961

M. Pierre-André QUELEN a reçu samedi la rosette d'Officier de la Légion d'Honneur

Une cérémonie toute intime s'est déroulée samedi soir, dans une classe de l’école Honoré Le Dû, à l’occasion de la remise, à M. Pierre-André Quélen, de la rosette d’officier de la Légion d ’honneur. Instituteur public à Dinan, M.Quélen fut un héros de la Résistance, et cette distinction justement méritée récompense son magnifique exemple de bravoure et d’abnégation. Dans sa louable modestie, le récipiendaire avait tenu à la sobriété de cette cérémonie, et c’est pourquoi seul un cercle d’amis fidèles était rassemblé lorsque le commandant en retraite Louis Lechoux, officier en chef des équipages de la Flotte, épingla sur la poitrine de M. Quélen les insignes de son nouveau grade, dans la prestigieuse décoration.

Outre Mme Quélen et ses deux fillettes, Françoise et Cathy, se trouvaient réunis M. Laurent, inspecteur de l’Enseignement du 1 er degré, et Mme ; M. et Mme Bertheix, beau-frère et soeur de M.Quélen ; M. Loguillard et Mme, directeur de l’école Honoré-Le Dû ; M. Sallio, économe de l’Hôpital-Hospice de Dinan ; M. et Mme Coadou, Mme Massoin, M.Thouin, président des Anciens Résistants; M. Guivo et Mme, président des Déportés ; M. Villeneuve, responsable des F.T.P. ; M. Mahé, président de l’Amicale laïque ; M. Carré, représentant la jeune Compagnie de la Rance ; plusieurs membres de l’Enseignement primaire etc.

M. Loguillard, le directeur de l’école Honoré Le Dû, rappela en termes émouvants, les brillants états de service de M. Quélen : « Je voudrais dire à notre ami la joie et la fierté que nous ressentons tous, et soulever un coin du voile derrière lequel sa trop grande modestie cache, jalousement, le passé glorieux qui lui a valu cette haute distinction.

« Elève de M. Picouays au Cours Complémentaire de St-Quay-Portrieux, Pierre-André Quélen entrait à l’école normale d’instituteurs de St-Brieuc en octobre 1938... C’est dans cette école, foyer de la Résistance de l’université laïque, à l’occupation nazie, qu’allaient s’épanouir cette volonté de justice, cet amour de la liberté, cette soif de dévouement, ce patriotisme lucide qui guidèrent l’action de notre ami et celle de tous ces jeunes normaliens qui s’illustrèrent dans les combats de la Libération.

« En octobre 1941, Pierre-André Quélen reçoit une nomination d’instituteur-adjoint à l’école publique de garçons de Paimpol... Nul climat ne pouvait mieux convenir à notre jeune résistant, c’est de Paimpol qu’étaient partis, dès le 18 juin 1940, des dizaines de jeunes gens, élèves de l’école d’hydrographie pour former les rangs des premiers combattants des forces navales françaises libres. C’est de son pays natal qu'allaient tenter de partir pour le même combat ses malheureux camarades du « Viking ».

« Pierre-André entre de plain-pied dans la lutte, et tout de suite s’affirment ses qualités de meneur d’hommes, de chef lucide, réfléchi et toujours souriant... Mais l’armée clandestine a besoin de cadres, il lui faut des chefs de sa trempe. Quittant sa famille, ses amis, il s’engage dans les Forces françaises combattantes de l’intérieur, et c'est alors que commence la douloureuse et glorieuse épopée.

« On le trouve dans divers réseaux : le M.L.N., le M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance, qui rassemble les groupes de combats C.D.R., O.C.M. et Francs-Tireurs). C’est au N.A.P. (Réseau de Noyautage des Administrations publiques, chargé de préparer les combats de la Résistance et de la Libération dans les chemins de fer, la police, la radio, les Postes et Télécommunications), qu’il va donner sa pleine mesure. Il est spécialement chargé de la défense et du sabotage des télécommunications à longue distance, dans toute la zone Nord, dite zone occupée. 

En janvier 1943, il se voit confier la responsabilité des enquêtes et actions qui visent à délivrer les membres du réseau, emprisonnés par la Gestapo à Fresnes et à Compiègne. On le trouve bientôt à la tête des commandos des groupes francs du secteur de Paris. Les missions se succèdent. Notre ami est partout au cœur du commun combat, jusqu’au jour où il est arrêté par la Gestapo. 

Et c’est l’internement à Fresnes, puis à Compiègne, au régime du secret. Les camps de la mort : Neuengamme le 4 juin 1944, alors que les avant-gardes des armées libératrices font déjà route vers les côtes de France : Sachsenhausen (le 4 juillet 44) : nuit et brouillard, le travail harassant, les stations d’appel prolongées sous les coups des bergers de la mort ; la faim, la soif, le froid, les camarades qui tombent chaque jour.

Rapatrié, enfin, le 4 juin 1945, René André, après un congé de un an, reprend son métier d’éducateur. Les tortures endurées n’ont pas eu raison de sa volonté de fer, de sa foi de militant. Il continue le bon combat...

Décoré de la médaille de la Résistance et de la Croix de guerre avec palmes, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 1957 avec la citation suivante :

« Agent des forces françaises combattantes, qui a participé courageusement à la lutte clandestine contre l’ennemi, au cours de la période d’occupation. Arrêté par la Gestapo pour son action résistante, a été interné du 8 avril au 3 juin 1944, puis déporté en Allemagne du 4 juin 1944 au 4 juin 1945. En est revenu grand invalide à la suite des privations et sévices subis. A bien servi la cause de la Libération. »

En décembre dernier il était promu au grade d’officier de la Légion d’honneur. Et M. Loguillard conclut : « Au nom de tous, je t’adresse nos cordiales félicitations. Soyez assurée, Madame Quélen, Françoise et Cathy, Madame et Monsieur Berthier, que nous partageons votre joie et votre légitime fierté. »

C’est alors qu’en présence du drapeau des Anciens F.T.P, le commandant Louis Lechoux remettait à M. Pierre-André Quélen l’insigne de sa nouvelle distinction. Au moment de l’accolade, spontanément toute l’assistance a applaudi chaleureusement le décoré. Mme Quélen recevait ensuite une superbe gerbe de fleurs.

A la demande de M. Thouin, une minute de silence fut observée à la mémoire des résistants, déportés et F.T.P. morts pour la France.

Au cours du vin d’honneur qui devait marquer la fin de la cérémonie, M. Quélen, bouleversé par le rappel de cette dramatique période de son existence et fortement ému, remercia très sincèrement tous ses amis en leur disant : « Cette distinction qui m’atteint je la dois aux gens et à une société qui m’ont aidé à me faire une morale parfois difficile : je la dois à ma famille et à la famille d ’adoption que j’ai trouvée auprès de ma sœur et de mon beau-frère Mme et M. Berthier. »

Il associa à cette croix ses parents, ses beaux-parents ses anciens maîtres, ses camarades de l’École Normale et tous ses amis qui ont trouvé une mort glorieuse au combat, en déportation ou des suites de la guerre. Il y associa également ceux qu’il a retrouvés à son retour et qui l’ont aidé à reprendre sa place dans la vie.

Nous sommes heureux de présenter, à notre tour, à M. Pierre-André Quélen nos bien sincères félicitations.

Retranscription R. Fortat 2023

 

 

 



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