samedi 9 août 2025

Marie Morin (1862-), directrice à l'école Chauffepieds de Dinan 1902-1921

Archives départementales. Dossier 1T

Marie Josèphe Morin est née le 21 mars 1862 à Erquy, dans une famille de laboureurs. Elle restera célibataire mais quand elle aura la cinquantaine, elle sera chargée de famille avec ses deux nièces.

Registre des naissances 1862 Erquy. AD22

Au niveau scolaire, elle obtient son Brevet élémentaire le 6 octobre 1886 et, sur le plan professionnel, son Certificat d'Aptitude Pédagogique le 20 août 1890. 

Elle occupera huit postes différents dans sa carrière : Erquy, à l'école de filles comme auxiliaire du 15 septembre 1886 au mois d'avril 1888 où elle est nommée à Cesson, proche de Saint-Brieuc, comme suppléante. Elle y reste jusqu'en octobre de la même année. Elle part ensuite à Plessala, comme titulaire, du mois de septembre 1890 à septembre 1891 où elle part à Le Pas, proche de Lanfains. Ensuite c'est Hénanbihen de septembre 1891 à septembre 1899 où elle fait la rentrée à Caulnes en tant que directrice. 

Nomination à Dinan 1902

Nomination de Marie Morin 1902. Archives mairie de Dinan

Archive Mairie de Dinan, dossier des écoles.
Le 8 septembre 1902 on lui confie la responsabilité de la direction de l'école des filles de Dinan.

Le contexte est difficile pour Marie Morin car c'est une période d'importants conflits avec l'enseignement privé. La municipalité va louer l'immeuble des frères de Ploërmel laissé vide après leur expulsion en 1903, rue Chauffepieds. Des travaux doivent être réalisés pour mettre les locaux en état (lessivage, peintures de murs, plafonds et escaliers, transformation de dortoirs logements d'institutrices, installation de chauffages...). La rentrée se déroule à l'école rue de la Garaye. De nombreux échanges, quasi quotidiens par courrier, ou télégrammes essaient d'organiser au mieux cette rentrée entre la Mairie, les inspecteurs et la directrice. Dans un courrier daté du 22 septembre elle informe l'inspecteur que 115 filles sont inscrites et ce nombre ne va cesser d'augmenter. Le 26 septembre 1902, Mlle Morin écrit à l'Inspecteur d'Académie à Saint-Brieuc : "Tous ces temps derniers j'ai fait tant de voyages, supporté tant de fatigue et éprouvé tant d'émotions diverses que c'est miracle de me voir encore debout. Actuellement, la classe, les visites, les renseignements à prendre à la Mairie absorbent tout mon temps ; je n'ai pas une minute de répit." Elle poursuit dans un registre plus personnel  : "J'ai été bien heureuse cependant de vous sentir avec moi quand tout mon être vibrait si douloureusement. Vos bonnes paroles ont relevé mon courage abattu et m'ont empêché de jeter le manche après la cognée ! Suis-je optimiste en disant : ça marchera à Dinan ? L'avenir le dira. En tout cas, je commence à me sentir un peu plus à l'aise et l'espoir rentre dans mon coeur".

Dans un autre courrier du 29 septembre, toujours dans un style qui lui est propre, Mlle Morin prévient l'inspecteur des cinq nouvelles inscriptions du matin et lui demande : "Êtes- vous content? J'aimerais bien le savoir".

Enfin, après quelques mois, les locaux de Chauffepieds sont mis à disposition. 

Rentrée septembre 1902 Archives mairie
Marie Morin s'acquitte très bien de sa mission en tant que directrice et le succès de l'école qu'elle dirige est immédiat : en 1906, l'effectif atteint très rapidement 300 élèves. Cela explique le retour en 1907 de trois classes dans les locaux laissés vacants rue de la Garaye car les locaux de Chauffepieds ne peuvent plus suffir.  

Les premiers succès sont enregistrés par le bon niveau des élèves et leur réussite au niveau du Certificat d’Études. Par exemple en 1907, 25 filles de l'école Chauffepieds sont reçues à l'examen et 14 en 1908, par contre, l'enseignement privé est en chute libre avec seulement 4 reçues en 1908.

Résultats 1907
 
Résultats 1908
L'immeuble de Chauffepieds est acquis aux enchères par la Ville en novembre 1907. Peu d'aménagements sont faits pour améliorer les locaux de Chauffepieds et les institutrices y exerceront et y vivront dans des conditions assez difficiles.

L'école Chauffepieds, gros plan

Au centre, l'école Chauffepieds de Dinan.
 
A droite, l'école des Garçons, rue Waldeck Rousseau

Le bâtiment de Chauffepieds juste avant sa démolition. Photo Y. Blanchot

En 1907, Mme Morin la directrice et ses adjointes, Mme Kérivoal, Jeanne Hervé, Gabrielle Léost et Mlle Augustine Campion habitaient sur place. En 1911, la directrice vit à Chauffepieds avec sa mère Anne Morin, née en 1831 à Erquy (recensement 1911).

Les rapports d'inspection

Les rapports d'inspections nous fournissent d'intéressantes informations sur cette période. Ainsi le 24 février 1903, l'inspecteur note sa satisfaction : "L'institutrice est intelligente et instruite. Son zèle est grand. Les résultats obtenus sont bien satisfaisants, à tous égards". Et dans sa conclusion il dresse le bilan suivant : "L'école de filles de Dinan a été laïcisée en septembre dernier. Malgré toutes les difficultés qu'elle a rencontrées pour recruter pour son école et pour s'imposer à la population, Mlle Morin est arrivée à réunir, en quelques mois, près de 120 élèves...et à élever beaucoup le niveau des études à l'école de Dinan. C'est évidement un succès auquel même ne s'attendaient pas les amis de l'enseignement laïque de la Ville."

Le 20 septembre 1903, on dénombre 165 élèves inscrites et 2ç présentes dans la classe de la directrice : "La tenue de la classe est très satisfaisante. Elle est bien organisée, d'une propreté méticuleuse. La discipline, très libérale, repose sur le sentiment éclairé par la raison." Cette question de l'autorité revient souvent dans les propos de l'inspecteur jusque dans sa conclusion : "Mlle Morin est une institutrice dévouée... Toutefois, à mon avis, son action ne se fait pas assez sentir en dehors de sa classe, autrement dit, elle ne dirige peut-être pas assez. Elle doit conseiller ses collaboratrices toutes débutantes."

Les 8 et 9 janvier 1906, l'inspecteur revient et c'est dans une classe de 40 filles présentes (sur 44 inscrites) qu'il voit de dérouler la classe. L'inspecteur dresse bilan élogieux : "Notre école publique jouit d'une prospérité toujours croissante puisque, trois ans après la laïcisation, elle réunit 250 élèves. Succès dû à la confiance qu'a inspiré le personnel, par un travail et sa bonne tenue. La directrice fournit une somme considérable de travail et obtient des résultats très marqués. Le moment est venu de songer à la création soit d'un Cours complémentaire, soit d'une École primaire supérieure. En somme bonne école, qui a reçu 50 élèves de La Victoire, où directrice et adjoints se prêtent un mutuel concours au plus grand profit des élèves."

En décembre 1907, la classe de Mlle Morin est constituée d'un Cours supérieur de 15 élèves et d'un cours de 7 élèves ayant le Brevet ou se préparant à cet examen.

Le 10 janvier 1909, la classe réunit 36 élèves dont un Cours supérieur. Mais on constate un petit changement de ton, surtout à propos de la discipline : "La discipline pourrait être plus ferme. Ces élèves semblent très remuantes même avec des tendances à l'émancipation. On aimerait bouder. Peut-être éviterait-on ces manifestations de mauvaise humeur en ayant une règle fixe". 

Le 8 juin 1910, l'inspecteur pointe que l'école a souffert d'une "désorganisation causée par les congés de maladie de toutes les maîtresses." Et le 17 septembre de la même année il se permet un conseil en conclusion "Mlle Morin mérite des éloges pour le sérieux et l'autorité dont elle fait constamment preuve. Il serait désirable, dans son intérêt et celui de ses élèves, qu'elle considérât toutes choses d'un point de vue plus élevé et plus général. En termes vulgaires, Mlle Morin se fait pour tout "trop de bile"."

Pendant la Guerre 14-18, les écolières mènent des actions en faveur des soldats. Elles vont pour cela utiliser leurs connaissances en couture. Le 23 décembre 1914, la directrice de l'école, Mlle Morin, informe le maire qu'elle a fait parvenir un lot de lainages comprenant 22 cache-nez, 2 passe-montagne, 1 paire de chaussettes, 1 paire de poignets. D'autre part une somme de 22,85 francs a été recueillie.

Le 18 février 1916, l'inspecteur prend soin d'alerter sur les conditions déplorables de logement de la directrice : "4 pièces à feu et un cabinet qui sont inondés toutes les fois qu'il pleut... Empêcher l'eau d'entrer dans l'appartement de la directrice." Pourtant "Mlle Morin est une institutrice des plus consciencieuse... Elle fait preuve de beaucoup de tact dans la solution des inévitables conflits qui surgissent dans les conditions où elle est placée."

Fin de carrière

Après avoir rempli ses 35 années de service, Marie Morin fait valoir ses droits à la retraite en juillet 1921. Elle est remplacée par Mlle Leclerc'h, directrice à l'école de La Garaye. Elle aura obtenu différents titres dans sa carrière : Médaille de bronze en 190é, d'argent en 1916 et officier d'académie en 1919. On ne possède pas de renseignements sur le lieu où elle a choisi de passer sa retraite. Elle aura consacré la plus grande partie de sa vie à l'enseignement primaire...

1921 Nomination Mlle Leclerc'h. Archives Mairie

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A suivre

Article sur l'histoire de l'école Chauffepieds de Dinan, cliquer ici

Sources

Registre des naissances d'Erquy 1862, cliquer ici

Archives départementales, dossier personnel 1T640 

Archives de la Mairie de Dinan


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